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Version du 14 mai 2016 à 06:37
Ébauche (avec bibliographie) |
Appellation en anglais
Socratic Method, Socratic Dialog
Stratégies apparentées
Le dialogue socratique est une stratégie inspirée du philosophe grec Socrate. Elle consiste en un questionnement qui favorise chez l’interlocuteur la naissance des idées dont il serait porteur (Parlebas, 1980). Cette stratégie vise divers types de connaissances notamment conceptuelles et favorise l’apprentissage en rendant l’apprenant actif. De ce point de vue, elle s’apparente aux stratégies telles que l’apprentissage par découverte guidée, les questions des enseignants, les questions des apprenants, le jeu-questionnaire et l’auto-questionnement. Les différentes expressions synonymiques généralement employées pour faire référence au dialogue socratique sont les suivantes : la maïeutique socratique, la méthode socratique, la pédagogie socratique, le questionnement socratique, la technique socratique, l’ironie socratique et la méthode active.
Type de stratégie
Le dialogue socratique est une stratégie dont le concepteur ou la conceptrice pédagogique peut se servir pour organiser l'ensemble de la démarche d'enseignement-apprentissage. Dans ce cas, elle constitue une macrostratégie. Le concepteur peut également s’en servir comme microstratégie en organisant l’enseignement-apprentissage au niveau d’une ou plusieurs activités.
Types de connaissances
Les connaissances conceptuelles, procédurales, factuelles et métacognitives sont celles que vise le dialogue socratique. Selon Anderson et al. (2001), les connaissances conceptuelles sont des connaissances déclaratives qui portent sur des phénomènes et sur les relations que ceux-ci entretiennent entre eux. Ce sont des connaissances complexes dont la compréhension peut être facilitée par le dialogue socratique qui permet, d’une part, de faire découvrir les concepts et consiste, d’autre part, à amener l’apprenant du point A (le moins complexe) au point B (le plus complexe) par des questions dirigées, souvent à partir d’une analogie (Crevier, 2013). Grâce à cette dynamique qui permet d’aller du point le moins complexe au point le plus complexe, le dialogue socratique est également adapté aux connaissances procédurales et métacognitives. Crevier (Ibid.) mentionne en outre que cette stratégie a aussi une valeur mnémotechnique : elle vise, dans le cas d’espèce, les connaissances factuelles qui sont des connaissances stockées dans la mémoire à long terme. Cette stratégie est largement utilisée dans le tutorat individuel (Koedinger & Corbett, 2006), les systèmes d’autoformation et dans les professions juridiques et policières notamment à travers les interrogatoires et contre interrogatoires des avocats (Kearney & Beazley, 1991 and Taylor, B., & Kroth, M. (2012).) et des policiers. Comme forme pratique de l’art d’enseigner, la maïeutique socratique est également incontournable pour le didacticien (Marchive, 2002)
Description
Fils de sage-femme, Socrate se propose à l’instar de sa mère d’accoucher non pas les corps, mais les esprits. Cela explique bien la raison pour laquelle le dialogue socratique se fait généralement nommer la maïeutique socratique, car le mot maïeutique désigne étymologiquement l’art d’accoucher. Cette métaphore s’exprime fort bien dans le Théétète de Platon (1970), où Socrate affirme que : Mon art de maïeutique a les mêmes attributions générales que celui des sages-femmes. La différence est qu’il délivre les hommes et non les femmes et que c’est les âmes qu’il surveille en leur travail d’enfantement, non point les corps. C’est un art qui consiste en un dialogue reposant sur l’interrogation dont le but est d’amener un interlocuteur à prendre conscience de ce qu’il sait implicitement, à l’exprimer et à le juger (Foulq.-St-Jean 1962, cité par CNRTL, 2012). Selon Charles Hummel (2000, p.5), la pédagogie socratique se démarque de l'enseignement traditionnel où un enseignant s’efforce de transmettre ses connaissances à un élève qui doit les assimiler plus ou moins passivement. « La pédagogie socratique est une pédagogie active, c’est la pédagogie du dialogue où éducateur et élève coopèrent à la recherche du savoir.» Schiller (2008) souligne, quant à lui, que la méthode socratique constitue un label qui a largement été exploité en pédagogie. The Oxford Companion to Philosophy, souligne-t-il, définit cette méthode comme toute technique philosophique ou pédagogique qui vise la vérité à travers une discussion analytique. La discussion, mais pas n’importe quelle, est ainsi la clé de cette méthode. Cette discussion s’appuie sur des questions orientées qui impliquent des réponses dialectiques. Autrement dit, l’usage du questionnement en pédagogie ne signifie pas forcément le dialogue socratique. C’est un dialogue particulier qui comporte un certain nombre d’éléments clés (Schiller, id.). Il débute avec une opinion ou une affirmation faite par l’apprenant. L’enseignant intervient par la suite en posant des questions qui orientent l’apprenant vers une réflexion critique portant sur l’opinion qu’il a préalablement formulée. En répondant à ces questions, l’apprenant identifie certaines incohérences dans son raisonnement; il les corrige et améliore ses réponses, aboutissant ainsi à une opinion différente de la première. Cette opinion se distingue de la première en ce qu’elle découle d’un examen critique. Le principe qui régit cette démarche du dialogue socratique s’inscrit en droit ligne de la théorie épistémologique de Socrate (Delgado, 2012). Conformément à ce principe, la connaissance ne s’acquiert pas à partir d’une réalité extérieure à l’individu; elle est un produit interne de l’individu même. Autrement dit, les connaissances sont encapsulées de façon codifiée, dans le sujet, et plus précisément dans sa partie spirituelle, dans l’âme. La maïeutique socratique constitue donc un processus de remémoration de ces connaissances au travers d’un dialogue mené à bon escient. En somme, c’est un processus qui revêt toute son importance en ce qu’il situe l’apprenant au centre de son apprentissage. On comprend aisément pour Kant (cité par Jouary, 1997) disait qu’« il faut procéder socratiquement dans l’éducation »; c’est-à-dire ne pas montrer à l’autre quel chemin il doit prendre, mais former en lui la capacité à trouver le bon chemin, à tracer même le bon chemin, à force de contradictions, d’étonnement, de prise de conscience de l’erreur, de désir d’en sortir. C’est en marchant, donc en tombant, que l’on apprend à marcher.
Conditions favorisant l’apprentissage
En plaçant Socrate au rang des précurseurs des méthodes nouvelles et en considérant comme évidence « que la maïeutique soit un appel à l’activité de l’élève plus qu’à sa docilité », Piaget (1969) situe le dialogue socratique dans la pédagogie active. En tant que pédagogie active, le dialogue socratique est une stratégie qui favorise l’activité de l’apprenant. Cette activité que Freinet (1964) nomme « tâtonnement expérimental » est le paramètre qui distingue la pédagogie active de la pédagogie traditionnelle. La première fait de l’apprenant un acteur alors que la seconde fait de lui un réceptacle passif des explications et des démonstrations magistrales. Faire d’un apprenant un acteur, notamment à travers le questionnement comme technique pédagogique, comporte plusieurs avantages (Kost & Chen, 2014). De nombreuses études empiriques à l’instar de celles menées par Adib-Hajbaghery et Aghajani (2011) montrent que la pédagogie traditionnelle rend les apprenants anxieux. Ces derniers sont moins performants qu’avec une pédagogie active. Le dialogue socratique améliore significativement les résultats scolaires des apprenants (Deksissa, Liang, Behera & Harkness, 2014). La motivation des apprenants est rehaussée puisqu'ils sont plus actifs au cours de leur apprentissage et qu'ils prennent conscience des limites de leurs connaissances(Paraskevas, & Wickens, 2003).
Niveau d’expertise des apprenants
Le dialogue socratique est une stratégie que l’on peut d’adapter aussi bien au niveau des apprenants débutants qu’à celui des intermédiaires et des avancés. Elle s’adapte à tous ces différents niveaux par ce que le point de départ du dialogue est l’opinion que formule l’apprenant sur une question ou sur un thème donné. C’est spécifiquement sur cette opinion que se développeront le questionnement guidé de l’enseignant et le raisonnement de l’apprenant. Grâce à l’orientation de ce questionnement, l’apprenant parvient, activement, à la connaissance en identifiant et en corrigeant les limites de son opinion initiale.
Type de guidage
Ainsi que le souligne Crevier (2013), le dialogue socratique comporte un aspect inductif. Cet aspect est essentiel pour le guidage de l’apprenant, car chaque fois que l’enseignant pose une question, il y introduit des éléments qui orientent l’apprenant vers la bonne réponse. Le type de guidage que prône cette stratégie est de toute évidence un guidage permanent et progressif. On le voit bien dans cet extrait de la démarche socratique que nous propose Crevier :
Socrate : Dis-moi, si on veut envoyer une lettre de Montréal à Vancouver, est-ce qu’on choisirait d’envoyer un employé pour une livraison de porte à porte?
Étudiant : Non.
S : Pourquoi?
É : Ce serait beaucoup trop coûteux.
S : Alors qu’est-ce qu’on fait?
É : On envoie la lettre au bureau de poste qui la joint à d’autres lettres à destination semblable; le bureau de poste l’envoie à un autre bureau de poste, et finalement à destination.
S : Que se passe-t-il lorsque la lettre arrive au premier bureau de poste?
É : Une personne (ou une machine) lit le code de destination et place la lettre dans un contenant avec d’autres lettres destinées au même endroit.
S : Bien! On utilise donc un bureau de tri. Revenons maintenant au transport des données sur les réseaux. Si on voulait envoyer des données de Montréal à Vancouver, est-ce qu’on déploierait une fibre optique ou un câble de Montréal à Vancouver?
É : Non, ce serait beaucoup trop coûteux… Puis, il faudrait relier toutes les autres grandes villes entre elles...
S : Si on pense à l’analogie de la poste, qu’est-ce qu’on pourrait faire?
É : On pourrait envoyer toutes les données à un endroit commun et les séparer ensuite selon leur destination.
S : Très bien. On aurait comme un bureau de tri pour les données?
É : Ce serait une bonne idée! Comme ça, on pourrait les séparer et les rediriger…
S : Eh bien, c’est tout à fait ce que l’on fait. On utilise une sorte d’ordinateur qui fait ce travail : il reçoit les données, il lit leur adresse de destination, et il choisit la route qui les amènera à destination le plus aisément possible. On le nomme commutateur.
Type de regroupement des apprenants
Divers types de regroupement des apprenants sont possibles pour la mise en œuvre du dialogue socratique. Cependant, le type le plus privilégié est celui qui met en présence l’enseignant et l’apprenant. Il faut souligner que c’est sur l’opinion de l’apprenant que porte le questionnement socratique. Or, tous les apprenants ne partagent pas à priori une même opinion. Autrement dit, il n’est pas très évident que l’enseignant puisse socratiquement interroger, de façon simultanée, tout un groupe d’apprenant. Il peut, dans une moindre mesure, adresser une première question à tous les apprenants, faire répondre l’un d’eux qui proposera une opinion et poursuivre l’interrogation socratique avec d’autres apprenants qui partagent cette même opinion. Les dyades constituent un autre type de regroupement des apprenants. Dans ce cas, l’enseignant joue le rôle de coach entre les deux apprenants (Crevier, 2013).
Milieu d’intervention
En tant que stratégie pédagogique, le dialogue socratique est utilisé dans divers milieux éducatifs et en particulier dans l’enseignement préuniversitaire et élémentaire. C’est notamment avec l’avènement de l’éducation nouvelle et des méthodes actives largement prônées par Adolphe Ferrière (Gerber, 1989) que cette stratégie sera adoptée au sein de multiples systèmes éducatifs dès le début du 20e siècle. Le dialogue socratique demeure d’actualité dans les systèmes éducatifs nationaux. Le récent passage de l’approche par objectif (APO) à l’approche par compétence (APC) n’a qu’été une réforme confirmant l’importance de cette stratégie qui situe l’apprenant au centre de son apprentissage.
Conseils pratiques
La réutilisation d’un dialogue socratique écrit pour une formation à distance peut se faire en salle de classe. L’enseignant fait ainsi travailler les apprenants en dyade tout en jouant le rôle de coach (Crevier, 2013). Afin de faciliter les apprentissages en ligne, il faut associer la visioconférence au dialogue socratique (Tucker & Neely, 2010). Whiteley (2014) conseille également d’associer la taxonomie de Bloom au dialogue socratique pour améliorer les discussions en ligne, la pensée critique et l’apprentissage des étudiants.
Ressources informationnelles utilisées dans la fiche
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Bibliographie
Freinet, C. (1964). Les invariants pédagogiques. Bibliothèque de l'école moderne (25), 1-29.
Gerber, R., Hameline, D., Heinz Zeilberger, Y., Thollon-Pommerol, C. Thollon-Pommeronl, N. (1981). Autour d'Adolphe Ferrière et de l'éducation nouvelle. Dans Daniel Hameline (Ed.),Cahiers de la Section des sciences de l'éducation. Pratiques et théorie (1ere éd., 25, 1-105). Genève, Suisse: Université de Genève.
Piaget, J. (1969). Psychologie et pédagogie. Paris, France: Denoël.
Pintrich, P. R., Raths, J. et Wittrock, M. C. (2001). A Taxonomy for learning, teaching, and assessing : A Revision of Bloom’s taxonomy of educational objectives. New York, NY : Longman.
Platon (1970). Œuvres complètes. Théétète. (traduit par A. Diès). Paris, France: Société d'édition Les Belles Lettres.
Tardif, J. (1992). Pour un enseignement stratégique : l’apport de la psychologie cognitive. Montréal, QC : Éditions Logiques.
Parlebas, P. (1980). Un modèle d'entretien hyperdirectif [la maïeutique de Socrate]. Revue française de pédagogie, 51, 4-19.
Webographie
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CNRTL (2012). Maïeutique. TLF, [en ligne] consulté le 16 aout 2015 sur le site http://www.cnrtl.fr/definition/maieutique
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Bibliographie
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Adib-Hajbaghery M, Aghajani M. (2011).Traditional Lectures, Socratic Method and Student Lectures: Which One do the Students Prefer?. WebmedCentral Medical Education,2(3):WMC001746 Récupéré du site https://www.webmedcentral.com/article_view/1746
Antonoff, M. B., & D'Cunha, J. (2011). Retrieval practice as a means of primary learning: Socrates had the right idea. Seminars in thoracic and cardiovascular surgery, 23, (2),89-90. WB Saunders. Récupéré de http://lib.kums.ac.ir/documents/10129/140614/89.pdf
Biesta, G. (2013). Receiving the gift of teaching: From ‘learning from’to ‘being taught by’. Studies in Philosophy and Education, 32(5), 449-461.
Boghossian, P. (2006). Behaviorism, constructivism, and Socratic pedagogy. Educational Philosophy and Theory, 38(6), 713-722.
Boghossian, P. (2012). Socratic Pedagogy: Perplexity, humiliation, shame and a broken egg. Educational Philosophy and Theory, 44(7), 710-720.
Crevier, F. (2013). Illustration du dialogue socratique. Texte communiqué à titre de ressource pour le cours TED 6210.Fichier:Crevier-dial-socr.pdf
Deksissa, T., Liang, L. R., Behera, P., & Harkness, S. J. (2014). Fostering Significant Learning in Sciences. International Journal for the Scholarship of Teaching and Learning, 8(2), 12. Récupéré de http://digitalcommons.georgiasouthern.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1046&context=ij-sotl
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Webographie
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