Curriculum spiralé
Appellation en anglais
Spiral Curriculum (Bruner, 1960)
Résumé introductif
Le curriculum spiralé est un modèle de conception pédagogique attribué à Bruner (1960), qui s'inscrit dans la mouvance du constructivisme. Ce modèle comporte quatre principes : le rôle central de la structure de l’apprentissage dans l’enseignement, l’importance de la préparation de l’apprentissage, la pensée intuitive et analytique de l’apprenant, puis la motivation dans l’apprentissage. Les connaissances visées sont divisées en trois stades ou modes (enactif, iconique et symbolique). Ceux-ci se complètent et leur interaction se transpose comme dans une spirale pour décrire les différentes phases d'acquisition des connaissances: en passant d'un mode de représentation à l'autre, en reprenant les données par des modes différents et dans des contextes divers, la pensée évolue vers une plus grande abstraction.
Le modèle est structuré de manière à ce que l’apprenant puisse saisir de manière intuitive les idées fondamentales du domaine ciblé, qu’il pourra ensuite progressivement approfondir, étendre et appliquer dans diverses situations tout au long de son cheminement dans un programme de formation. Ainsi, l'apprenant réalise qu'il possède des connaissances antérieures qui lui permettent de comprendre les nouvelles notions et est appelé à percevoir que ce qu'il fait dans le présent lui servira de base dans la prochaine spirale. Suivant le déroulement d’une formation, le même contenu est revu à plusieurs occasions, avec un niveau de difficulté plus élevé à chaque fois, puis les nouveaux apprentissages sont liés aux apprentissages antérieurs et enfin, les compétences des apprenants augmentent à chaque interaction avec le contenu du programme. Dans l’application du modèle du curriculum spiralé, il est essentiel de tenir compte du niveau initial de connaissances et du développement cognitif de l’apprenant.
Stratégies apparentées
Les stades de développement de l'enfant (Piaget) : Les apprentissages proposés dans un curriculum en spiral doivent tenir compte des représentations mentales de l'apprenant. Les stades de développement de Piaget aident à mieux saisir les représentations mentales en fonction de l'âge.
Différenciation progressive (Ausubel): Ce dernier recommande d'enseigner le concept de manière très générale au début. Ce n'est que par la suite que les différences plus significatives devraient être abordées. Il croit que notre structure cognitive est basée sur un modèle hiérarchisé et qu'il est donc plus avantageux d'apprendre en suivant la même organisation, du général progressivement vers le complexe.
Zone proximale du développement- ZPD (Vygotski): La zone proximale est une référence qui vise à établir le bon degré de difficulté pour que l'apprenant soit capable de cheminer avec un peu d'aide. S'il est capable d'effectuer la tâche seul ou s'il en est incapable même avec de l'aide, il n'est pas dans sa ZPD. Le curriculum de Bruner tient compte du niveau de compréhension de l'apprenant et lui offre une séquence d'apprentissage qui en tient compte, la difficulté où la profondeur augmente lorsque la notion est revue plus tard dans le curriculum.
Spaced Learning (Kelley): Théorie qui concerne la mémorisation. Peut s'apparenter à une forme de spirale, mais dans un délai très court. L'Université d'Harvard a démontré que la mémorisation de notions était largement favorisée s'il y a des intervalles de temps entre les exercices de mémorisation. La mémoire semble ainsi se consolider davantage lorsque l'apprenant découpe son apprentissage en petites spirales. La durée des intervalles peut être aussi courte que dix minutes, ce qui la distingue nettement des spirales du curriculum qui peuvent s'échelonner sur des années.
(Stratégies opposées: Block learning ou Mass learning): Consiste à voir la matière du commencement jusqu'à la fin en une seule séquence. Les adeptes du curriculum en spiral admettent que cette stratégie produit des résultats intéressants à court terme dans les évaluations, mais que l'apprentissage n'est pas très significatif pour l'apprenant. Ainsi, ces stratégies ne semblent pas très efficaces pour construire des connaissances profondes qui persistent dans le temps.
Type de stratégie
La stratégie du curriculum spiralé s'apparente généralement à un modèle puisque les spirales peuvent s'échelonner sur des années. Le concept, tel qu'il est présenté par Bruner (1960), consiste à enseigner une même notion échelonnée sur plusieurs années, mais en respectant à chaque fois le stade de développement cognitif de l'enfant. Chaque année, on recommence à partir des notions antérieures, mais l'apprenant est maintenant en mesure d'augmenter sa compréhension du concept en fonction des nouveaux schèmes qu'il a acquis durant l'année, allant graduellement vers une plus grande abstraction du concept.
Il reste malgré tout possible de l'intégrer dans un contexte temporel plus étroit, par exemple, dans un cours d'apprentissage par découverte basé sur le modèle du curriculum spiralé, l'enfant pourrait vivre les trois stades de la spirale dans une même séquence d'apprentissage (répartie sur quelques cours idéalement). Par exemple, une séquence sur l'addition pourrait commencer par un exercice avec de vraies pommes et on se demande combien on aura de pommes si on en ajoute un certain nombre, l'élève manipule les pommes (enactif). La deuxième spirale consisterait à faire additionner des traits sur une feuille et trouver le nombre total de traits (iconique). Dans un troisième temps, on invite l'apprenant à compter les traits et les transformer en chiffre avant de les additionner et de donner la réponse en chiffre (symbolique).
Types de connaissances
Les connaissances visées par le curriculum spiralé sont divisées en trois stades (enactif, iconique et symbolique), ce qui s'apparente davantage à la mémoire explicite ou, plus spécifiquement, à des connaissances factuelles dans la taxonomie de Bloom.
Selon le texte de Barth (1985) traitant de Bruner, son modèle vise aussi à développer des connaissances métacognitives chez l'apprenant. En effet, Barth (1985) fait mention que "d'autres facteurs jouent un rôle important dans l'acquisition des connaissances: la prise de conscience, par l'individu, de sa propre démarche pour apprendre et sa volonté de la faire." Ce concept faisant appel à la mémoire implicite varie hautement d'un individu à l'autre et ne se produit pas automatiquement de manière naturelle, il est préférable de le stimuler par le questionnement. Ce que l'on en retient est qu'à travers les spirales, l'apprenant réalise qu'il possède des connaissances antérieures qui lui permettent de comprendre les nouvelles notions et par ce fait même, il est appelé à percevoir que ce qu'il fait dans le présent lui servira de base dans la prochaine spirale.
Dans la synthèse de Clark (2010), on y fait ressortir que: "Intuitive thinking Bruner believed that children can and should be encouraged to think intuitively and not just analytically. In helping children to understand underlying principles in conceptual thought, he wrote, they begin to deal with problems on an intuitive level, looking not simply for the analytically “correct” answer but rather at broadly applied conceptual connections which help them learn to be problem solvers. “It seems likely that effective intuitive thinking is fostered by the development of self-confidence and courage in the student..." Cet extrait est révélateur quant aux connaissances métacognitives que Bruner préconise beaucoup par son approche constructiviste.
Description
Le modèle de curriculum spiralé est attribué à Jerome S. Bruner (1960). Ce modèle s'inscrit dans le mouvement du constructivisme « the theory that learners actively construct their own knowledge based upon the things they know now and have known in the past (National Teacher Research Panel).
Le modèle de curriculum en spiral est « un programme structuré de manière que l’apprenant puisse saisir dès le début et de manière intuitive les idées fondamentales du domaine ciblé, qu’il pourra ensuite progressivement approfondir, étendre et appliquer dans diverses situations tout au long de son cheminement dans le programme » (Basque, n.d. p.1). Selon le National Teacher Research Panel et Clark (2010), Bruner a organisé sa méthode en se basant sur 4 principes :
- Le rôle central de la structure de l’apprentissage dans l’enseignement;
- L’importance de la préparation de l’apprentissage;
- La pensée intuitive et analytique de l’apprenant;
- La motivation de l’apprentissage.
En 1999, Harden et Stamper (dans Basque, n.d. p.2) expliquent et décrivent précisément que le « curriculum en spirale rencontre quatre caractéristiques principales : le même contenu est revu à plusieurs occasions au cours du programme ; le même contenu est revu avec un niveau de difficulté plus élevé à chaque fois, les nouveaux apprentissages sont liés aux apprentissages antérieurs et enfin, les compétences des apprenants augmentent à chaque interaction avec le contenu du programme ». Dans l’application du modèle du curriculum en spiral il est essentiel de tenir compte du niveau de connaissances et de développement cognitif de l’apprenante au moment d’aborder la matière (Basque, n.d. et Unité de Technologie de l'éducation).
Représentation graphique du modèle
Bien que de beaucoup de représentations graphiques ayant réellement une forme de spirale sont disponible sur le web, la plupart ne semblent pas réellement tenir compte du concept préconisé par Bruner.
Ce tableau réalisé par Norman Herr montre les différences entre le modèle américain de l'apprentissage des sciences et le modèle chinois. Les écoles chinoises revoient les notions d'année en année. Norman Herr prétend que: "This is the reason that their performance is so strong when compare with americans students who study one subect per year." Néanmoins, cet argument comporte une source de biais majeure: Il serait facile d'argumenter sur le fait que le temps investi en science par les Chinois est supérieur à ce qu'investissent les Américains.
Représentation visuelle des trois phases
Ainsi, nous pouvons constater que trouver un livre dans une bibliothèque constitue un apprentissage complexe. Par contre, en initiant les enfants avec la recherche de livre adapté à leur capacité alors qu'ils sont jeunes, ils développent des schèmes importants qui serviront de connaissance antérieure solide avant d'approfondir la méthode de recherche de document.
Barth (1985) décrit les phases de la manière suivante: "Les trois modes se complètent et leur interaction est primordiale pour l'apprentissage. Bruner donne l'image d'une spirale pour décrire les différentes phases d'acquisition des connaissances: en passant d'un mode de représentation à l'autre, en reprenant les données par des modes différents et dans des contextes divers, la pensée évolue vers une plus grande abstraction."
Niveau d’expertise des apprenants
“We begin with the hypothesis that any subject can be taught in some intellectually honest form to any child at any stage of development”. In other words, even the most complex material, if properly structured and presented, can be understood by very young children." -Jerome Bruner (1960)
L'une des forces du modèle du curriculum spiralé est qu'il tient justement compte de l'âge du public cible. Selon Bruner, il est possible d'enseigner une notion complexe même à de très jeunes enfants à condition que nous respections les représentations mentales de ces derniers. Pour ce faire, le pédagogue doit être en mesure de comprendre, par le questionnement ou l'expérience, quelles sont les différentes représentations que l'enfant possède à cet âge. Une fois que l'enseignant est conscient des schèmes des enfants, il sera en mesure de leur faire vivre un apprentissage significatif adapté à leur capacité de compréhension. Éventuellement, la même notion complexe sera revue d'une manière différente alors que leurs schèmes auront maturé.
Dans le contexte de l'enseignement de notions à des apprenants plus âgés, la phase "enactif" est souvent moins sollicitée, car l'apprenant est désormais capable d'un plus haut niveau d'abstraction. Idéalement, à ce stade, il serait souhaitable que l'apprenant effectue des apprentissages métacognitifs par rapport à la manière dont il apprend. Lorsque l'apprenant prend connaissance qu'il est dans un curriculum en spiral, il sait qu'éventuellement la notion va être réutilisée plus loin et cela peut avoir des impacts positifs sur sa motivation. Savoir que ce que l'on fait dans le présent n'est pas un concept éphémère, mais qu'il est lié à un continuum plus grand donne plus de sens à l'apprentissage. La curiosité peut aussi avoir un effet positif en ce sens où dès la fin d'une séquence l'apprenant peut se demander comment sera la prochaine étape. Comment puis-je aller plus loin dans cette notion? Cela contribue à consolider le concept de formation continue.
Recherches empiriques
Malheureusement, bien que le modèle soit loin d'être nouveau, les données empiriques afin de prouver le gain d'efficacité de ce modèle sont peu nombreuses et sont difficilement dissociables du contexte constructiviste.
Le problème est qu'il est très difficile de recueillir des données probantes pertinentes sur le curriculum individuellement alors que ce dernier est un modèle et que les stratégies pour l'enseignement plus spécifique relèvent du constructivisme. Alors que des recherches ont eu lieu dans ce contexte, il est difficile d'attribuer les résultats globaux au modèle alors qu'il est constitué d'un ensemble varié de microstratégies.
Malgré ce manque apparent de preuve, Dempster (1988) se prononce et proclame que le curriculum en spiral aide les étudiants à mieux performer dans les évaluations et qu'ils retiennent l'information plus longtemps comparativement à un curriculum en bloc. Il reconnait aussi l'échec de l'implantation d'un curriculum où les apprentissages sont espacés dans le temps. Il justifie cet échec par le fait que les pédagogues voient les résultats de l'apprentissage sur un court terme et que dans ce contexte, un curriculum en bloc obtient des résultats très favorables. Néanmoins, selon Dempster toujours, l'approche en bloc est moins efficace sur le long terme.
Extrait du texte original : Process of Education (Bruner, 1960)
"The "spiral curriculum." If one respects the ways of thought of the growing child, if one is courteous enough to translate material into his logical forms and challenging enough to tempt him to advance, then it is possible to introduce him at an early age to the ideas and styles that in later life make an educated man. We might ask, as a criterion for any subject taught in primary school, whether, when fully developed, it is worth an adult's knowing, and whether having known it as a child makes a person a better adult. If the answer to both questions is negative or ambiguous, then the material is cluttering the curriculum.
If the hypothesis with which this section was introduced is true that any subject can be taught to any child in some honest form then it should follow that a curriculum ought to be built around the great issues, principles, and values that a society deems worthy of the continual concern of its members. Consider two examples the teaching of literature and of science. If it is granted, for example, that it is desirable to give children an awareness of the meaning of human tragedy and a sense of compassion for it, is it not possible at the earliest appropriate age to teach the literature of tragedy in a manner that illuminates but does not threaten? There are many possible ways to begin: through a retelling of the great myths, through the use of children's classics, through presentation of and commentary on selected films that have proved themselves. Precisely what kinds of materials should be used at what age with what effect is a subject for research - research of several kinds. We may ask first about the child's conception of the tragic and here one might proceed in studying the child's conception of physical causality, of morality, of number, and the rest. It is only when we are equipped with such knowledge that we will be in a position to know the child will translate whatever we present to him into his own subjective terms. Nor need we wait for all the research findings to be in before proceeding, for a skillful teacher can also experiment by attempting to teach what seems to be intuitively right for children of different ages, correcting as he goes. In time, one goes beyond to more complex versions of the same kind of literature or simply revisits some of the same books used earlier. What matters is that later teaching build upon earlier reactions to literature, that it seek to create an ever more explicit and marure understanding of the literature of tragedy. Any of the great literary forms can be handled in the same way, or any of the great themes-be it the form of comedy or the theme of identity, personal loyalty, or what not.
So too in science. If the understanding of number, measure, and probability is judged crucial in the pursuit of science, then instruction in these subjects should begin as intellectually honestly and as early as possible in a manner consistent with the child's forms of thought. Let the topics be developed and redeveloped in later grades. Thus, if most children are to take a tenth-grade unit in biology, need they approach the subject cold? Is it not possible, with a minimum of formal laboratory work if necessary, to introduce them to some of the major biological ideas earlier, in a spirit perhaps less exact and more intuitive? "
-Jerome S. Bruner
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Veille informationnelle - Ressources disponibles pour rédiger et améliorer la fiche
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