"Pouvoir ultime"

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Source de l’histoire

Il s’agit d’une situation que j’ai personnellement vécue en tant que formatrice à l’occasion d’une formation en milieu de travail dans le domaine de l’assurance de dommages dans le secteur privé.

Protagoniste

La personne qui vit le dilemme éthique est la formatrice. Elle reçoit une demande d’un vice-président de l’entreprise afin d’intégrer une participante à une formation qui est destinée à de nouveaux employés qui œuvrent à titre d’agents en assurance de dommages.

Voici ce qui s’est passé

Le vice président avait reçu une demande d’un ancien haut dirigeant pour que l’entreprise embauche sa fille qui avait de sérieux problèmes de santé mentale et physique, en plus de ne pas détenir les compétences, les capacités, les attitudes et les comportements que l’employeur recherchait chez une nouvelle recrue. Les expériences de travail de cette personne avaient été infructueuses en raison de ses problèmes de santé qui correspondait à l’anxiété de performance, l’anxiété sociale, le trouble d’adaptation, le trouble de la personnalité limite et l’anorexie. L’absentéisme, l’absence d’esprit d’équipe et un manque de compétences lui avaient aussi été reprochés. Celle-ci était prestataire de l’aide sociale, monoparentale et participait à un programme d’aide à l’emploi. Elle venait de terminer un programme de formation en assurance de dommages et elle avait réussi les examens prescrits par l’autorité des marchés financiers. Elle devait maintenant effectuer une période probatoire en entreprise, ce qui représentait pour elle l’occasion d’intégrer dans un contexte réel, mais supervisé, les connaissances et habiletés nécessaires à sa pratique professionnelle. Le fait de réussir sa période de probation lui permettrait d’obtenir son permis d’exercice et l’amènerait à occuper un emploi soit au sein de l’entreprise ou dans une organisation qui œuvre dans le secteur de l’assurance de dommages. Pour ma part, j’étais à quelques jours de débuter la formation d’une nouvelle cohorte d’agents en assurance de dommages, formation qui était suivie de la période de probation habituelle, lorsque j’ai reçu un appel du vice-président. Il souhaitait m’entretenir au sujet de sa nouvelle recrue, me présenter son profil et me faire connaître ses attentes. Mon mandat consistait à l’intégrer dans mon groupe de participants, à ne pas fournir d’efforts pour la mener vers la réussite, à ne pas tenir compte de ses absences et de ses autres manquements, en plus d’approuver la réussite de sa période de probation. Une fois la période de probation réussie, je devais faire la démonstration qu’elle ne rencontrait pas les exigences pour demeurer à l’emploi de l’entreprise, notamment en termes de performance, ce qui se traduirait par un congédiement. En procédant de la sorte, elle aurait son permis d’exercice en main et pourrait postuler auprès d’un autre employeur. Le vice président lui aurait ainsi permis d’obtenir la base pour débuter sa carrière. Il m’était terriblement difficile d’accepter ce mandat mais l’autorité avait parlé et je devais m’incliner si je voulais conserver mon emploi. Au fur et à mesure que la formation prenait forme, je devais m’efforcer afin de lui porter moins d’attention pour investir mes efforts auprès des autres participants. J’agissais contre mes valeurs. Je constatais qu’elle n’avait pas les mêmes droits que les autres et qu’en ne tenant pas compte de ses absences et de ses autres manquements, je la traitais injustement. Les règles de conduites que j’avais mises en place ne donnaient plus les effets escomptés, en plus de me faire perdre de la crédibilité. La participante était à l’écart des autres, elle vivait le rejet par ses pairs. Ses problèmes de santé mentale et physique commençaient à se faire sentir. Elle s’est alors mise à s’absenter une à deux fois par semaine au minimum. Puis, j’ai craqué. Mes valeurs ont repris leur place. J’ai tenté de renverser la situation en lui accordant toute l’attention requise pour la réussite de son projet éducatif, d’introduire mes valeurs de bienveillance afin que le groupe fonctionne de manière harmonieuse et que la participante puisse répondre à son besoin d’affiliation. Les gestes que je posais permettaient à mes valeurs d’universalisme de se manifester, entre autres l’égalité des droits, la justice et la tolérance. Malheureusement, ses problèmes de santé étaient de plus en plus manifestes, de sorte que je n’ai pas pu l’amener aussi loin que je l’aurais souhaité. Finalement, elle a obtenu son permis d’exercice mais l’entreprise l’a congédiée en raison de son taux d’absentéisme excessif et pour un rendement insuffisant.

Questions

1- Si vous aviez été à la place de la formatrice, auriez-vous accepté le mandat, au risque de perdre votre emploi ?

2- Si vous aviez été à la place de la formatrice, auriez-vous confronté le vice-président concernant les différents enjeux reliés à sa demande ? Pouvez-vous identifier ces enjeux ?

3- En considérant la vulnérabilité psychologique et physique de la participante, de même que ses expériences de travail antérieures et son contexte de vie, croyez-vous que le fait d’accepter le mandat du vice président venait aggraver son état déjà fragilisé ?

4- Malgré le fait que la participante avait obtenu son permis d’exercice, croyez-vous qu’elle était prête à faire face à un nouveau défi chez un autre employeur ? Avait-elle le bagage requis ? Se dirigeait-elle vers un autre échec, situation qui la rendrait encore plus vulnérable ?

5- Si vous aviez été à la place de la formatrice, auriez-vous parlé de la situation avec une personne dont la position hiérarchique était supérieure à celle du vice président ?

Le classement de cette histoire se fera sous la valeur du « Pouvoir » puisque dans le cadre du mandat qui m’a été confié, j’ai agi sous l’autorité et la domination du mandant, le vice-président. Ce dernier était en position de pouvoir dans l’entreprise et le fait de refuser de me soumettre à sa demande mettait très sérieusement en jeu mon emploi. Les valeurs qui guident mes actions en formation sont la réussite, la bienveillance, l’universalisme et l’autonomie. Ces dernières ont été en confrontation constante avec celle du pouvoir. J’étais continuellement dans un contexte de conflits de valeurs, je ressentais une souffrance éthique à vivre en opposition avec mes valeurs. Lorsque la tension est devenue trop forte, mes valeurs de référence dans ma pratique professionnelle ont repris leur position de dominance. J’ai alors retrouvé ma liberté, je me suis réconciliée avec ma vraie nature.