Différences entre versions de « Problématisation »
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+ | La problématisation est une méthode de développement de la pensée critique qui aide à générer des théories utiles à la définition et à la résolution de problèmes. Problématiser c’est semer le doute, questionner les a priori et remettre en question le statut d’un concept établi. « La problématisation vise bien, en effet, à déterminer ce qui ne l’est que très partiellement, à relier les éléments épars d’une situation, à l’unifier en un tout cohérent. […] Penser la formation selon la dynamique adaptative d’une pédagogie des projets et des problèmes, c’est pour Dewey tenter d’introduire l’enfant dans cet univers problématique qui est désormais notre lot. » (Fabre, 2009, p.23) « En plaçant l’idée de problématisation sur le terrain des sciences, [Gaston Bachelard] la conçoit comme un travail de conceptualisation qui relève d’une psychanalyse de la connaissance en butte aux obstacles secrétés par l’opinion et le savoir déjà là » (Fabre, 2009, p.25). La problématisation implique un mouvement descriptif, une remise en question et une construction de problèmes dans le but de dépasser les notions établies. | ||
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+ | Le terme problématisation est utilisé en recherche pour définir l’étape méthodologique durant laquelle le cadre conceptuel et le problème de la recherche est défini. Dans une approche cognitive de la formation, ce terme est plus difficile à cerner. La difficulté vient du fait que les auteurs qui se sont penchés sur la question ont abordé le sujet du point de vue de différentes disciplines. Ce terme, bien qu’il s’apparente toujours à la notion de problème, peut être entrevue de façon très pratique ou plus ou moins philosophique ou même métaphysique selon la discipline qui s’y intéresse. Ainsi, la problématisation en mathématiques, en science ou en technologie, fait souvent référence à un enseignement basé sur une approche inductive où l’apprenant tâtonne avec des hypothèses autour d’un concept ou d’un phénomène jusqu’à ce qu’il arrive à jeter des bases solides pour la compréhension et la résolution d’un problème. L’approche déductive au contraire exige que l’apprenant accepte certains éléments comme étant des faits et qu’il s’appuie sur ceux-ci pour résoudre un problème. On dira que la problématisation en éducation requiert une approche inductive parce que plutôt que de partir de faits, elle est ouverte aux constats que font les apprenants pour déterminer le point d’ancrage d’une solution. Selon, Kumar, (2017) « la problématisation est le fait d’établir une vérité universelle en montrant que si elle est vraie pour un cas particulier et est en outre vraie pour un nombre raisonnablement adéquat de cas, alors elle est vraie pour tous les cas. Avec cette méthode, dans un premier temps, un problème est résolu sur la base des connaissances préalables, de la pensée, du raisonnement et de la perspicacité de l'apprenant. » | ||
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+ | Quand est-il des sciences humaines et plus précisément de l’enseignement de l’histoire qui est particulièrement propice à la problématisation. Le Bourgeois-Viron & Rebiffé, (2012) admettent que « le récit de l’histoire enseigné à l’école est en général peu problématisé ». En effet l’enseignement de l’histoire dans les salles de classe est essentiellement descriptif. C’est-à-dire que « les études consacrées à l’enseignement ‘ordinaire’ de l’histoire en France [et ailleurs] attestent que la discipline est souvent présentée comme un ‘texte officiel’ que les élèves auraient à apprendre et à restituer plus ou moins fidèlement. » (Audigier et Tutiaux-Guillon, 2004) L’histoire est plus souvent enseignée à l’aide de données historiques descriptives, des descriptions d'événements, de personnages et de connaissances du passé. La problématisation en classe d’histoire implique un questionnement des sources ou de leur interprétation. « Si l’on se réfère à la construction des connaissances, on peut parler de critique des sources, interne et externe, de questions interrogeant ces sources » (Bourgeois-Viron & Rebiffé, 2012, p.37) « L'approche prescriptive fournit aux étudiants un outil d'analyse pour comprendre, caractériser un récit […] du passé et du présent » (Kushner,1980). Ainsi pour problématiser en classe d’histoire l’enseignant doit nécessairement délaisser le descriptif et opter pour un enseignement prescriptif qui encourage l’analyse, la comparaison et la découverte. | ||
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+ | Dans ses écrits, Foucault utilise le concept de problématisation de deux manières distinctes, d’abord sous forme de verbe ‘ problématiser ‘ pour décrire la pensée analytique. Ensuite, avec le terme ‘problématique’ qui prend la forme nominale pour parler de l’objet de la réflexion qui émerge de la pratique. | ||
+ | Ainsi la problématisation inclue à la fois le fait de réexaminer les certitudes pour chercher à comprendre les différents éléments qui constituent un problème mais aussi la présentation de cette réflexion sous la forme d’un questionnement qui découle de la réflexion. | ||
== Stratégies apparentées == | == Stratégies apparentées == | ||
− | + | * [[Questions des apprenants]] | |
+ | * [[Questions des enseignants]] | ||
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+ | C’est trois microstratégies sont similaires à la problématisation bien qu’elles ne visent pas nécessairement la remise en question des a priori. Leurs similarités se trouvent dans les types de connaissances et les conditions d’apprentissage visées. | ||
== Type de stratégie == | == Type de stratégie == | ||
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== Type de connaissances == | == Type de connaissances == | ||
− | + | [[Connaissances conceptuelles]], [[connaissances métacognitives]] et de [[compétences]]. | |
+ | Conceptuelle parce que la problématisation demande de faire des liens entre des phénomènes et les relations qui les organisent. Elle requiert de l’apprenant qu’il fasse l’analyse de ces liens pour en tirer une réflexion ou des hypothèses plausibles. La problématisation développe des connaissances métacognitives de type stratégiques puisqu’elle exige des habilités transversales qui impliquent une notion de l’objet ainsi qu’un questionnement de l’objet. Pour problématiser, il faut chercher à établir la légitimité d’une situation ou valider une idée, ce qui demande souvent de faire un constat de ses propres connaissances, opinions, valeurs ou préjugés. Finalement, la problématisation encourage le développement de compétences dans la perspective de la stratégie pédagogique de l’approche par compétence. En effet la problématisation requiert la mobilisation de différents types de connaissances pour permettre l’utilisation cohérente de savoirs complexes. | ||
== Description == | == Description == | ||
− | + | Les conditions de mise en œuvre d’une activité de problématisation peuvent être complexe ; pour cette raison Fabre et Musquer (2009) propose de présenter aux apprenants des situations-problèmes sur lesquelles ils auront à élaborer leur réflexion. Pour se faire ils préconisent l’utilisation d’inducteurs de problématisation. « Dans la classe, le processus [de problématisation] ne va pas de soi et la démarche d’enseignement par situation problème suppose l’élaboration d’outils d’aide à la problématisation : d’où l’idée d’inducteur. » (Fabre et Musquer, 2009) « Nous appelons inducteurs de problématisation des aides bien spécifiques, susceptibles d’activer les schèmes cognitifs de l’élève et ceci par rapport aux différentes opérations du processus de problématisation et de leur contenu » (Fabre et Musquer, 2009). « L’idée d’inducteur s’appuie sur un modèle de problématisation définit comme suit : | |
+ | * 1) il s’agit d’un processus multidimensionnel impliquant position, construction et résolution de problèmes | ||
+ | * 2) d’une recherche de l’inconnu à partir du connu, c’est à dire de l’édification d’un certain nombre de points d’appui à partir desquels questionner | ||
+ | * 3) d’une dialectique de faits et d’idées, d’expériences et de théories | ||
+ | * 4) d’une pensée contrôlée par des normes ou conditions (intellectuelles, éthiques, techniques, pragmatiques…), ces normes étant elles-mêmes tantôt prédéfinies et tantôt à construire | ||
+ | * 5) d’une schématisation fonctionnelle du réel qui renonce à tout embrasser et à reproduire la réalité mais vise plutôt à construire des outils pour penser et agir. » (Musquer et Fabre, 2010) | ||
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+ | Les travaux de Musquer et Fabre ont été suivis par d’autres chercheurs qui ont monté de nombreuses banques de scénarios mis à la disposition des enseignants pour les aider à guider leurs élèves à problématiser. | ||
+ | Parmi les auteurs qui se sont penchés sur le sujet, Rey (2005 p. 93) propose une approche simplifiée du processus de problématisation. Selon lui, la problématisation se construit sur trois registres, d’abord il faut d’écrire les faits, donc l’incident ou la situation. Il faut ensuite tenter d’expliquer ces faits, c’est-à-dire « démontrer qu’ils entrent dans un système de nécessité et qu’ils ne peuvent pas être autres que ce qu’ils sont. » (Rey, 2005 p. 95) Le troisième registre que Rey appelle ‘explicatif’ offre une forme de clôture « Il s’agit de l’indication des conditions auxquelles l’explication doit satisfaire pour être considérée valide » (Rey, 2005 p. 95) | ||
+ | Quelle que soit l’approche préconisée, la microstatégie de la problématisation repose largement sur un guidage adroit de l’enseignant qui doit mettre en éveille l’esprit des apprenants tout en évitant de leur fournir des hypothèses puisque l’acte de problématiser consiste entre autres à développer des hypothèses plausibles qui permettent de cerner un problème. « L’étayage de l’enseignant doit […] permettre aux élèves de développer leurs idées, il est donc important de ne pas poser de questions fermées et de rebondir sur les propos des élèves lorsqu’ils n’explicitent pas assez leur point de vue. L’enseignant doit tenir le rôle de tiers en rappelant les différents arguments et les catégorisant selon qu’ils sont pour ou contre telle ou telle thèse. » (Lancelot 2019, p.46) Ainsi les apprenants doivent problématiser en partant de leurs propres idées. Ils doivent eux même trouver les éléments qu’ils souhaitent remettre en question. Pour problématiser il est essentiel que l’ apprenant soit l’acteur de ses propres apprentissages. | ||
== Conditions favorisant l’apprentissage == | == Conditions favorisant l’apprentissage == | ||
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== Niveau d’expertise des apprenants == | == Niveau d’expertise des apprenants == | ||
− | + | Selon Rey (2005), « l’activité de construction de problème est depuis longtemps présente dans l’univers scolaire, sous une forme très délimitée : la dissertation. » Effectivement, l’âge auquel l’enfant est capable de construire une réflexion propre à la dissertation est aussi un âge propice à la problématisation. Lancelot (2019) a étudié la problématisation chez les enfants de classe maternelle et en a conclu que « les capacités langagières, et l’autonomie des élèves de maternelle ne leur permettent pas encore de mener un débat où l’enseignant régulerait le dialogue sans trop intervenir » Ainsi la faculté de régulation de soi et l’aptitude au débat sont deux facteurs essentiels à la capacité de problématisation. | |
== Type de guidage == | == Type de guidage == | ||
− | + | Le guidage est fait principalement par l’enseignant qui doit adroitement guider chaque étape de la réflexion en évitant de fournir les réponses. L’enseignant prend un rôle d’observateur actif, il | |
+ | aide à développer une vue panoramique de la situation avec des interventions d’ordre général en posant des questions comme : | ||
+ | * Quels principes généraux semblent les plus pertinents dans cette situation ? | ||
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== Type de regroupement des apprenants == | == Type de regroupement des apprenants == | ||
− | + | * Apprentissage individuel | |
+ | * Apprentissage en petits groupes | ||
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== Milieu d’intervention == | == Milieu d’intervention == | ||
− | + | Cette stratégie est très souvent appliquée à l’enseignement des sciences pure ainsi que dans les sciences naturelles ou plusieurs études sur des cas cliniques font usage la problématisation. L’enseignement en classe d’histoire fait de plus en plus appel à la problématisation. Cette microstratégie d’apprentissage peut s’adressé à tous les groupes d’âges à partir du moment où les apprenants sont apte à faire des réflexions propres au débat et à la métacognition. | |
− | == Conseils pratiques == | + | == Conseils pratiques et exemples d’utilisation == |
− | Dans la mesure du possible, fournir des conseils, des « trucs » ou des « astuces » en lien avec des exemples issus de la pratique « réelle » de cette stratégie. | + | Dans la mesure du possible, fournir des conseils, des « trucs » ou des « astuces » en lien avec des exemples issus de la pratique « réelle » de cette stratégie. |
− | == Bibliographie == | + | == Bibliographie == |
− | + | Audigier, F. et Tutiaux-Guillon, N. (dir.) (2004). Regards sur l’histoire, la géographie et l’éducation civique à l’école élémentaire. Saint-Fons: Institut national de recherche pédagogique. | |
Fabre, M. (1997). Pensée pédagogique et modèles philosophiques: le cas de la situation-problème. ''Revue française de pédagogie'', (120), 49-58. Repéré à: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1997_num_120_1_1155 | Fabre, M. (1997). Pensée pédagogique et modèles philosophiques: le cas de la situation-problème. ''Revue française de pédagogie'', (120), 49-58. Repéré à: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1997_num_120_1_1155 | ||
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Fabre, M. (2006). Analyse des pratiques et problématisation. Quelques remarques épistémologiques. ''Recherche et formation'', (51), 133-145. Repéré à: http://rechercheformation.revues.org/511 | Fabre, M. (2006). Analyse des pratiques et problématisation. Quelques remarques épistémologiques. ''Recherche et formation'', (51), 133-145. Repéré à: http://rechercheformation.revues.org/511 | ||
− | Fabre, M., & Musquer, A. (2009). Vers | + | Fabre, M., & Musquer, A. (2009). Vers un répertoire d'inducteurs de problématisation. ''Spirale'', ''43'', 45-68. Repéré à: http://spirale.lautre.net/spirale19/spirale/IMG/pdf/Fabre_et_Musquer_Spiral-E_2009.pdf |
Fabre, M., & Vellas E. (dir.)(2006). ''Situations et formation et problématisation''. Paris (France): De Boeck. | Fabre, M., & Vellas E. (dir.)(2006). ''Situations et formation et problématisation''. Paris (France): De Boeck. | ||
Fleury, B., & Fabre, M. (2005). Psychanalyse de la connaissance et problématisation des pratiques pédagogiques. La longue marche vers le processus «apprendre». ''Recherche et formation'', (48), 75-90. Repéré à: http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR048-06.pdf | Fleury, B., & Fabre, M. (2005). Psychanalyse de la connaissance et problématisation des pratiques pédagogiques. La longue marche vers le processus «apprendre». ''Recherche et formation'', (48), 75-90. Repéré à: http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR048-06.pdf | ||
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+ | Kumar, N. (2017). Inductive and Deductive Methods in Mathematics Teaching. Int. Journal of Engineering Research and Application Www.ijera.com, 7(11), 19–22. https://doi.org/10.9790/9622-0711021922 | ||
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+ | Kushner, R. I. (1980). The prescriptive approach to the teaching of the history of psychology course. Teaching of Psychology, 7(3), 184-185. | ||
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+ | Lancelot, M. (2019). Problématiser à l’école maternelle. Dumas.ccsd.cnrs.fr, 83. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02520548 | ||
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+ | Le Bourgeois-Viron, R., & Rebiffé, C. (2012). Problématiser en classe d’histoire à l’école élémentaire : deux exemples de situations scolaires. Nouveaux Cahiers de La Recherche En Éducation, 15(1), 35–49. https://doi.org/10.7202/1013378ar | ||
Rey B. (2005). Peut-on enseigner la problématisation ? , ''Recherche et formation'', 48, 91-105. Repéré à: http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR048-07.pdf | Rey B. (2005). Peut-on enseigner la problématisation ? , ''Recherche et formation'', 48, 91-105. Repéré à: http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR048-07.pdf | ||
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== Webographie == | == Webographie == | ||
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[[Catégorie:Microstratégie]] | [[Catégorie:Microstratégie]] | ||
− | [[Catégorie: | + | [[Catégorie:Toutes_les_fiches]] |
+ | [[Catégorie:Ébauche]] | ||
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+ | <br> Defontaine, M. (2017). La problématisation en sciences. Dumas. Récupéré de ccsd.cnrs.fr, 56. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02084762 | ||
+ | <br>Doussot, S., & Vézier, A. (2014). Des savoirs comme pratiques de problématisation : une approche socio-cognitive en didactique de l’histoire. ''Éducation et Didactique, 8''(3), 111–139. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.2097 | ||
+ | <br>Pache, A., & Breithaupt, S. (2020). Des pratiques langagières favorisant le processus de secondarisation dans le cadre de leçons de géographie au cycle 2. ''Swiss Journal of Educational Research, 42''(3), 631–641. https://doi.org/10.24452/sjer.42.3.8 | ||
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+ | *Un numéro spécial de la revue Recherches en éducation consacré à la problématisation, issu du Symposium du réseau PROBLEMA, « La problématisation en formation : transversalités et spécificités », symposium organisé à Nantes, conjointement par l’Université et l’IUFM des Pays de la Loire, les 19 et 20 Juin 2006. La caractéristique commune des articles est de faire « travailler » l’idée de problématisation dans l’apprentissage et la formation, tout en respectant ses caractéristiques épistémologiques. En ligne : https://journals.openedition.org/ree/3738 |
Version actuelle datée du 4 avril 2022 à 16:53
Appellation en anglais
Problematization
Résumé introductif
La problématisation est une méthode de développement de la pensée critique qui aide à générer des théories utiles à la définition et à la résolution de problèmes. Problématiser c’est semer le doute, questionner les a priori et remettre en question le statut d’un concept établi. « La problématisation vise bien, en effet, à déterminer ce qui ne l’est que très partiellement, à relier les éléments épars d’une situation, à l’unifier en un tout cohérent. […] Penser la formation selon la dynamique adaptative d’une pédagogie des projets et des problèmes, c’est pour Dewey tenter d’introduire l’enfant dans cet univers problématique qui est désormais notre lot. » (Fabre, 2009, p.23) « En plaçant l’idée de problématisation sur le terrain des sciences, [Gaston Bachelard] la conçoit comme un travail de conceptualisation qui relève d’une psychanalyse de la connaissance en butte aux obstacles secrétés par l’opinion et le savoir déjà là » (Fabre, 2009, p.25). La problématisation implique un mouvement descriptif, une remise en question et une construction de problèmes dans le but de dépasser les notions établies.
Le terme problématisation est utilisé en recherche pour définir l’étape méthodologique durant laquelle le cadre conceptuel et le problème de la recherche est défini. Dans une approche cognitive de la formation, ce terme est plus difficile à cerner. La difficulté vient du fait que les auteurs qui se sont penchés sur la question ont abordé le sujet du point de vue de différentes disciplines. Ce terme, bien qu’il s’apparente toujours à la notion de problème, peut être entrevue de façon très pratique ou plus ou moins philosophique ou même métaphysique selon la discipline qui s’y intéresse. Ainsi, la problématisation en mathématiques, en science ou en technologie, fait souvent référence à un enseignement basé sur une approche inductive où l’apprenant tâtonne avec des hypothèses autour d’un concept ou d’un phénomène jusqu’à ce qu’il arrive à jeter des bases solides pour la compréhension et la résolution d’un problème. L’approche déductive au contraire exige que l’apprenant accepte certains éléments comme étant des faits et qu’il s’appuie sur ceux-ci pour résoudre un problème. On dira que la problématisation en éducation requiert une approche inductive parce que plutôt que de partir de faits, elle est ouverte aux constats que font les apprenants pour déterminer le point d’ancrage d’une solution. Selon, Kumar, (2017) « la problématisation est le fait d’établir une vérité universelle en montrant que si elle est vraie pour un cas particulier et est en outre vraie pour un nombre raisonnablement adéquat de cas, alors elle est vraie pour tous les cas. Avec cette méthode, dans un premier temps, un problème est résolu sur la base des connaissances préalables, de la pensée, du raisonnement et de la perspicacité de l'apprenant. »
Quand est-il des sciences humaines et plus précisément de l’enseignement de l’histoire qui est particulièrement propice à la problématisation. Le Bourgeois-Viron & Rebiffé, (2012) admettent que « le récit de l’histoire enseigné à l’école est en général peu problématisé ». En effet l’enseignement de l’histoire dans les salles de classe est essentiellement descriptif. C’est-à-dire que « les études consacrées à l’enseignement ‘ordinaire’ de l’histoire en France [et ailleurs] attestent que la discipline est souvent présentée comme un ‘texte officiel’ que les élèves auraient à apprendre et à restituer plus ou moins fidèlement. » (Audigier et Tutiaux-Guillon, 2004) L’histoire est plus souvent enseignée à l’aide de données historiques descriptives, des descriptions d'événements, de personnages et de connaissances du passé. La problématisation en classe d’histoire implique un questionnement des sources ou de leur interprétation. « Si l’on se réfère à la construction des connaissances, on peut parler de critique des sources, interne et externe, de questions interrogeant ces sources » (Bourgeois-Viron & Rebiffé, 2012, p.37) « L'approche prescriptive fournit aux étudiants un outil d'analyse pour comprendre, caractériser un récit […] du passé et du présent » (Kushner,1980). Ainsi pour problématiser en classe d’histoire l’enseignant doit nécessairement délaisser le descriptif et opter pour un enseignement prescriptif qui encourage l’analyse, la comparaison et la découverte.
Dans ses écrits, Foucault utilise le concept de problématisation de deux manières distinctes, d’abord sous forme de verbe ‘ problématiser ‘ pour décrire la pensée analytique. Ensuite, avec le terme ‘problématique’ qui prend la forme nominale pour parler de l’objet de la réflexion qui émerge de la pratique. Ainsi la problématisation inclue à la fois le fait de réexaminer les certitudes pour chercher à comprendre les différents éléments qui constituent un problème mais aussi la présentation de cette réflexion sous la forme d’un questionnement qui découle de la réflexion.
Stratégies apparentées
C’est trois microstratégies sont similaires à la problématisation bien qu’elles ne visent pas nécessairement la remise en question des a priori. Leurs similarités se trouvent dans les types de connaissances et les conditions d’apprentissage visées.
Type de stratégie
La problématisation est une microstratégie
Type de connaissances
Connaissances conceptuelles, connaissances métacognitives et de compétences. Conceptuelle parce que la problématisation demande de faire des liens entre des phénomènes et les relations qui les organisent. Elle requiert de l’apprenant qu’il fasse l’analyse de ces liens pour en tirer une réflexion ou des hypothèses plausibles. La problématisation développe des connaissances métacognitives de type stratégiques puisqu’elle exige des habilités transversales qui impliquent une notion de l’objet ainsi qu’un questionnement de l’objet. Pour problématiser, il faut chercher à établir la légitimité d’une situation ou valider une idée, ce qui demande souvent de faire un constat de ses propres connaissances, opinions, valeurs ou préjugés. Finalement, la problématisation encourage le développement de compétences dans la perspective de la stratégie pédagogique de l’approche par compétence. En effet la problématisation requiert la mobilisation de différents types de connaissances pour permettre l’utilisation cohérente de savoirs complexes.
Description
Les conditions de mise en œuvre d’une activité de problématisation peuvent être complexe ; pour cette raison Fabre et Musquer (2009) propose de présenter aux apprenants des situations-problèmes sur lesquelles ils auront à élaborer leur réflexion. Pour se faire ils préconisent l’utilisation d’inducteurs de problématisation. « Dans la classe, le processus [de problématisation] ne va pas de soi et la démarche d’enseignement par situation problème suppose l’élaboration d’outils d’aide à la problématisation : d’où l’idée d’inducteur. » (Fabre et Musquer, 2009) « Nous appelons inducteurs de problématisation des aides bien spécifiques, susceptibles d’activer les schèmes cognitifs de l’élève et ceci par rapport aux différentes opérations du processus de problématisation et de leur contenu » (Fabre et Musquer, 2009). « L’idée d’inducteur s’appuie sur un modèle de problématisation définit comme suit :
- 1) il s’agit d’un processus multidimensionnel impliquant position, construction et résolution de problèmes
- 2) d’une recherche de l’inconnu à partir du connu, c’est à dire de l’édification d’un certain nombre de points d’appui à partir desquels questionner
- 3) d’une dialectique de faits et d’idées, d’expériences et de théories
- 4) d’une pensée contrôlée par des normes ou conditions (intellectuelles, éthiques, techniques, pragmatiques…), ces normes étant elles-mêmes tantôt prédéfinies et tantôt à construire
- 5) d’une schématisation fonctionnelle du réel qui renonce à tout embrasser et à reproduire la réalité mais vise plutôt à construire des outils pour penser et agir. » (Musquer et Fabre, 2010)
Les travaux de Musquer et Fabre ont été suivis par d’autres chercheurs qui ont monté de nombreuses banques de scénarios mis à la disposition des enseignants pour les aider à guider leurs élèves à problématiser.
Parmi les auteurs qui se sont penchés sur le sujet, Rey (2005 p. 93) propose une approche simplifiée du processus de problématisation. Selon lui, la problématisation se construit sur trois registres, d’abord il faut d’écrire les faits, donc l’incident ou la situation. Il faut ensuite tenter d’expliquer ces faits, c’est-à-dire « démontrer qu’ils entrent dans un système de nécessité et qu’ils ne peuvent pas être autres que ce qu’ils sont. » (Rey, 2005 p. 95) Le troisième registre que Rey appelle ‘explicatif’ offre une forme de clôture « Il s’agit de l’indication des conditions auxquelles l’explication doit satisfaire pour être considérée valide » (Rey, 2005 p. 95)
Quelle que soit l’approche préconisée, la microstatégie de la problématisation repose largement sur un guidage adroit de l’enseignant qui doit mettre en éveille l’esprit des apprenants tout en évitant de leur fournir des hypothèses puisque l’acte de problématiser consiste entre autres à développer des hypothèses plausibles qui permettent de cerner un problème. « L’étayage de l’enseignant doit […] permettre aux élèves de développer leurs idées, il est donc important de ne pas poser de questions fermées et de rebondir sur les propos des élèves lorsqu’ils n’explicitent pas assez leur point de vue. L’enseignant doit tenir le rôle de tiers en rappelant les différents arguments et les catégorisant selon qu’ils sont pour ou contre telle ou telle thèse. » (Lancelot 2019, p.46) Ainsi les apprenants doivent problématiser en partant de leurs propres idées. Ils doivent eux même trouver les éléments qu’ils souhaitent remettre en question. Pour problématiser il est essentiel que l’ apprenant soit l’acteur de ses propres apprentissages.
Conditions favorisant l’apprentissage
Identifier, expliquer et justifier les conditions d’apprentissage que la stratégie vise à favoriser. Décrire quelle est la preuve empirique de l’efficacité de la stratégie.
Niveau d’expertise des apprenants
Selon Rey (2005), « l’activité de construction de problème est depuis longtemps présente dans l’univers scolaire, sous une forme très délimitée : la dissertation. » Effectivement, l’âge auquel l’enfant est capable de construire une réflexion propre à la dissertation est aussi un âge propice à la problématisation. Lancelot (2019) a étudié la problématisation chez les enfants de classe maternelle et en a conclu que « les capacités langagières, et l’autonomie des élèves de maternelle ne leur permettent pas encore de mener un débat où l’enseignant régulerait le dialogue sans trop intervenir » Ainsi la faculté de régulation de soi et l’aptitude au débat sont deux facteurs essentiels à la capacité de problématisation.
Type de guidage
Le guidage est fait principalement par l’enseignant qui doit adroitement guider chaque étape de la réflexion en évitant de fournir les réponses. L’enseignant prend un rôle d’observateur actif, il aide à développer une vue panoramique de la situation avec des interventions d’ordre général en posant des questions comme :
- Quels principes généraux semblent les plus pertinents dans cette situation ?
- Maintenant que vous avez quelques principes généraux à considérer, quelle est votre prochaine étape ?
Type de regroupement des apprenants
- Apprentissage individuel
- Apprentissage en petits groupes
- Apprentissage en grands groupes
Milieu d’intervention
Cette stratégie est très souvent appliquée à l’enseignement des sciences pure ainsi que dans les sciences naturelles ou plusieurs études sur des cas cliniques font usage la problématisation. L’enseignement en classe d’histoire fait de plus en plus appel à la problématisation. Cette microstratégie d’apprentissage peut s’adressé à tous les groupes d’âges à partir du moment où les apprenants sont apte à faire des réflexions propres au débat et à la métacognition.
Conseils pratiques et exemples d’utilisation
Dans la mesure du possible, fournir des conseils, des « trucs » ou des « astuces » en lien avec des exemples issus de la pratique « réelle » de cette stratégie.
Bibliographie
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Webographie
Veille informationnelle (ressources disponibles pour améliorer la fiche)
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- Un numéro spécial de la revue Recherches en éducation consacré à la problématisation, issu du Symposium du réseau PROBLEMA, « La problématisation en formation : transversalités et spécificités », symposium organisé à Nantes, conjointement par l’Université et l’IUFM des Pays de la Loire, les 19 et 20 Juin 2006. La caractéristique commune des articles est de faire « travailler » l’idée de problématisation dans l’apprentissage et la formation, tout en respectant ses caractéristiques épistémologiques. En ligne : https://journals.openedition.org/ree/3738