Research on teaching
Ce paradigme s’est intéressé principalement à l’enseignement « en direct », en classe. Les chercheurs qui ont contribué à son développement avaient pour objectif explicite de constituer « a scientific base for the art of teaching » en établissant des relations entre les variables de l’enseignement et de l’apprentissage (Gage, 1979). À l’instar de William James, ils ont mis en garde contre l’idée qu’une connaissance approfondie des théories de l’apprentissage et des résultats des recherches psychologiques sur l’apprentissage puisse être directement appliquée à l’enseignement. Par conséquent, ils ont proposé d’observer et de décrire les comportements des enseignants dans les situations scolaires authentiques, puis d’utiliser ces résultats pour constituer des théories, méthodes, stratégies visant à améliorer l’apprentissage.
La figure ci-dessous illustre de façon schématique la démarche scientifique privilégiée dans ce paradigme de recherches sur l'enseignement-apprentissage.
Les recherches du type « processus-produit »
De très nombreuses recherches du type « processus-produits » (process-outcome) ont été réalisées dans le cadre de ce paradigme. Elles ont consisté à étudier les relations entre les comportements des enseignants en classe (les processus), et l’évaluation des résultats d’apprentissage des élèves (les produits). Ces recherches ont permis d’identifier des corrélations entre les caractéristiques des certains patterns comportementaux (instructional procedures) des enseignants et les résultats d’apprentissage des élèves. Par la suite, il s’agissait de vérifier que les comportements de l’enseignant identifiés et considérés comme « efficaces » (car améliorant l’apprentissage) peuvent être véritablement considérés comme étant la cause de meilleurs résultats des élèves. Autrement dit, il s’agissait d’établir que la corrélation observée peut réellement être interprétée en tant que relation directionnelle du type cause-à-effet.
Par exemple, si l’observation a indiqué l’existence d’une corrélation positive entre le nombre ou la qualité de questions posées par l’enseignant et les résultats des élèves, d’autres recherches ont été menées afin d’établir que ce comportement de l’enseignant est bien la cause de l’amélioration des apprentissages. Ces recherches ont habituellement consisté en comparaison expérimentale des résultats scolaires des classes dans lesquelles l’enseignant a appliqué des « instructional procedures » identifiées comme étant efficaces (groupe « traitement ») avec des classes dans lesquelles l’enseignant n’a pas appliqué ce type de comportements (groupe « contrôle ») (Rosenshine, 2008).
Critiques des recherches du type « processus-produit »
Les recherches du type « processus-produits » ont été critiquées pour diverses raisons, notamment pour leur orientation béhavioriste ne permettant pas de prendre en compte les « variables médiatrices », soit la « pensée des enseignants » et « les comportements qui donnent naissance à l’apprentissage » et qui consistent en procédures mentales de traitement de l’information (Doyle, 1986).
Bref, ces recherches ont été accusées de ne s’intéresser qu’au comportement observable de l’enseignant et de l’apprenant, et d’omettre les variables sous-jacentes – cognitives – qui guident l’enseignement et conduisent à l’apprentissage. Ce qui a permis aux pionniers de recherches cognitives dans le domaine de l’enseignement – Benjamin Bloom, David Olson et Jerome Bruner – que différentes stratégies d’enseignement peuvent induire des activités d’apprentissage presque identiques (Bloom, 1963; Olson & Bruner, 1974). Ces critiques ont conduit le paradigme « processus-produit » à adopter un modèle conceptuel plus complexe, prenant en compte les « réponses médiatrices » des élèves et permettant de mieux cerner les conditions de l’enseignement efficace (Doyle, 1986; Gage, 2009).
La figure ci-dessous schématise le modèle conceptuel du paradigme processus-produit prenant en considération les processus cognitifs des enseignants et des élèves, à titre de « variables médiatrices » (adapté de Gage, 2009, p. 51)
Un rapprochement avec les résultats des recherches menées dans le champ de educational psychology a également été opéré, tout comme avec celles menées dans le paradigme de la instructional theory ( Gage, 2009).
Les méthodes d’enseignement « efficaces » en classe
Gauthier et al (1997) ont proposé une synthèse en français des résultats de ces recherches. Parmi les comportements « efficaces » des enseignants en classe, on trouve par exemple : la révision des contenus et le rappel des connaissances préalables, l’utilisation des organisateurs introductifs (advance organizers), l’explicitation des buts et du travail à accomplir, la clarté de la présentation, l’utilisation de la pratique guidée et de la pratique indépendante, les rétroactions régulières, spécifiques, détaillées et immédiates, l’emploi des techniques efficaces de questionnement.
Plusieurs de ces stratégies font partie d’un modèle d’enseignement appelé « Direct Instruction », dont diverses versions ont été élaborées et sont connues en français sous des noms tels que « enseignement systématique », « enseignement explicite » ou « enseignement efficace ». Soulignons que ce modèle a fait l’objet d’évaluations empiriques menées à une très grande échelle, dont la plus importante a été réalisée dans le cadre du projet Follow Through (Bissonnette, Richard, & Gauthier, 2005).
Aujourd’hui, les résultats accumulés par ce paradigme trouvent un nouvel éclairage dans les recherches menées en psychologie cognitive (Rosenshine, 2012), notamment dans le cadre de la théorie de la charge cognitive (Paas, Renkl, & Sweller, 2003).
Vue d'ensemble des revues et des associées représentatives du paradigme de "research on teaching"
Notes et références
Bissonnette, S., Richard, M., & Gauthier, C. (2005). Échec scolaire et reforme scolaire. Quand les solutions proposées deviennent la source du problème. Québec: Presses de l'Université Laval.
Bloom, B. S. (1963). Testing cognitive ability and achievement. In N. L. Gage (Ed.), Handbook of research on teaching. Chicago: Rand McNally.
Doyle, W. (1986). Paradigmes de recherche sur l'efficacité des enseignants. In M. Crahay & D. Lafontaine (Eds.), L'art et la science de l'enseignement. Hommage à Gilbert Landheere (pp. 435-482). Liège: Labor.
Gage, N. L. (1979). The Scientific Basis of the Art of Teaching (3 ed.). New York & London: Teachers College Press.
Gage, N. L. (1986). Comment tirer un meilleur parti des recherches sur les processus d'enseignement ? In M. Crahay & D. Lafontaine (Eds.), L'art et la science de l'enseignement. Hommage à Gilbert Landheere (pp. 411-433). Liège: Labor.
Gage, N. L. (2009). A conception of teaching. New York: Springer.
Gauthier, C., Desbiens, J.-F., Malo, A., Martineau, S., & Simard, D. (1997). Pour une théorie de la pédagogie. Recherches contemporaines sur le savoir des enseignants. Québec, Québec: Les Presses de l'Université Laval.
Olson, D. R., & Bruner, J. S. (1974). Learning through experience and learning through media. In D. R. Olson (Ed.), Media and symbols: The forms of expression, communication and education. Chicago: University of Chicago Press.
Paas, F., Renkl, A., & Sweller, J. (2003). Cognitive Load Theory and Instructional Design: Recent Developments. Educational Psychologist, 38(1), 1-4.
Rosenshine, B. (2008). Systematic Instruction. In T. L. Good (Ed.), 21st Century Education : A Reference Handbook. Vol. 1 (pp. 235-243). Thousand Oaks:CA: Sage.
Rosenshine, B. (2012). Principles of instruction. Research-based strategies that all teachers should know. American Educator, Spring, 12-19, 39.