Histoires de vie
Appellation en anglais
life story
life-story
Résumé introductif
Stratégies apparentées
Type de stratégie
Il s'agit d'une microstratégie.
Type de connaissances
Cette stratégie mobilise tous les types de connaissances:
- Exemples de connaissances factuelles: dates, événements, lieux, personnes, etc.
- Exemples de connaissances conceptuelles: autoformation, hétéroformation, écoformation, etc.
- Exemples de connaissances procédurales: techniques de recherche, processus d'introspection, etc.
- Exemple de connaissances métacognitives: connaissances de soi.
Cette stratégie implique habituellement la compétence de la communication orale, parfois celle de la communication écrite.
Description
Origines
La stratégie des histoires de vie tire sont origine de l'autobiographie, un genre littéraire tiré d'un récit de vie sincère écrit à la première personne. Contrairement au journal qui s'écrit au fur et à mesure, l'autobiographie est écrite une fois que l'auteur a un certain recul sur les évènements lui permettant une réflexion, voire une analyse, de son vécu. Une autobiographie célèbre est Les confessions de Jean-Jacques Rousseau. (Espace français)
La stratégie des histoires de vie se distingue de l'autobiographie par sa dimension sociale et sa forme orale. L'histoire de vie est généralement présentée à un auditoire qui est ensuite invité à interagir avec le présentateur. Cela permet à ce dernier de verbaliser son vécu pour mieux en comprendre le sens caché et ainsi prendre conscience de ses apprentissages, ceux faits par lui-même (autoformation), ceux réalisés grâce aux autres (hétéroformation) et ceux développés en relation avec son environnement. (écoformation)
Gaston Pineau, auteur et professeur français, est connu pour ses recherches sur les histoires de vie. En 1983, lui et Marie-Michèle, une femme en recherche-formation d'elle-même, co-signent Produire sa vie : autoformation et autobiographie. Celle-ci raconte son histoire de vie et explique ce que cette expérience lui a appris sur elle-même et la société:
Après mon récit de vie, j’ai pris conscience du tuteur accroché à mon arbre. Ce tuteur, c’était les normes établies, les croyances, les valeurs, la formation, l’éducation reçues, que l’école, l’église, la société, la famille m’avaient inculquées et que j’avais contribué à renforcer. Ce tuteur, je l’ai arraché, car il avait plus d’importance que l’arbre lui-même… J’ai transplanté mon arbre dans une terre plus riche où il pouvait prendre racine… J’ai identifié quatre phases importantes que j’ai reliées aux éléments :
– Intégration (eau), volonté et désir de comprendre et de mettre en forme cette expression vitale.
– Exploration (air), devenir mon propre objet de connaissance pour réunifier mes différentes facettes.
– Acceptation (terre), lâcher-prise, apprivoisement du soi, de ma sensibilité.
– Recherche de mon élan vital (feu), unifier mes énergies pour construire mon projet professionnel.
Tout au long de ma démarche, j’ai identifié mes mouvements d’intériorisation et d’extériorisation. (Pineau et Jobert, 1983, dans Pineau, 2012, p.44)
La métaphore des éléments initiera Pineau à l'éducation relation à l'environnement. Avec des collaborateurs, il publiera quatre ouvrages sur le sujet, ayant chacun pour thème un des éléments.
Thomas Berryman, professeur et chercheur québécois, s'intéresse lui aussi aux histoires de vie. Il a contribué à faire connaitre l'autosociobiographie environnementale grâce à ses recherches sur l'éco-ontogénèse, concept décrivant «la genèse d’un être humain dans ses relations avec l’environnement et plus particulièrement, des incidences de ces relations à l’environnement dans son développement, dans son ontogenèse.» (Berryman, 2003)
Dominique Bachelart, enseignante-chercheuse, s'est aussi intéressée à l'autosociobiographie environnementale dans le cadre de ses recherches sur l'écoformation, plus particulièrement sur l'enfance et la relation à l'environnement. Ces écrits ont d'ailleurs inspiré Pineau dans les siens.
Quand utiliser cette stratégie?
L'histoire de vie peut être utilisée en début de formation pour permettre au formateur et aux apprenants de mieux se connaitre à la manière d'une longue activité brise-glace. (Berryman, 2007) Elle peut aussi être utilisée en fin de formation pour lier certaines notions et conceptions au vécu des apprenants et favoriser le transfert des apprentissages.
Principales étapes
1. La collecte d'informations
Les journaux intimes, les agendas, les cartes géographiques, les photos, les vidéos s'avèrent de bonnes archives pour commencer la recherche autobiographique. Questionner ses proches ou même réaliser une entrevue avec eux permet de corroborer les faits, mais aussi d'accéder à d'autres souvenirs. Ceux-ci peuvent aussi ressurgir en revisitant la littérature, la musique et le cinéma appréciés durant la petite enfance, l'enfance, l'adolescence ou le début de l'âge adulte. Au fil de la collecte d'informations, la prise de notes est recommandée même si l'histoire de vie n'est présentée qu'oralement.
2. La sélection et l'organisation des informations
La principale difficulté de cette stratégie est de sélectionner les informations pertinentes et de les lier entre elles. L'histoire de vie est souvent présentée de façon chronologique, mais pourrait aussi être organisée autour de lieux ou de personnes marquantes. Le retour dans le passé est généralement suivi d'une projection dans le futur puis d'une analyse et synthèse du présent. (Doerr, 2004 dans Berryman, 2007) L'intérêt de ce récit de vie est de faire ressortir les apprentissages réalisés, leurs causes et leurs conséquences. Prendre conscience de ceux-ci est un apprentissage en soi, qui peut être plus ou moins difficile pour l'apprenant. L'utilisation de modèles théoriques (voir section Type de guidage) peut faciliter l'identification d'apprentissages marquants propres à certains âges. Les modèles permettent aussi à l'apprenant de se décentrer et de constater les similitudes et différences de son vécu qu'il pourrait avoir avec les autres.
3. La présentation et les réflexions qui s'en suivent
Important: Étant donné son aspect très personnel, il est essentiel que la présentation de l'histoire de vie ait lieu dans un climat de confiance, d'écoute et de respect. Il est possible que cette stratégie fasse émerger des émotions chez le présentateur. Il importe que le formateur les accueille, mais surtout oriente au besoin la personne vers des services d'aide. (Berryman, 2007)
Avec ou sans support visuel, la présentation se fait à l'oral devant un auditoire. Elle peut facilement prendre une trentaine de minutes puis être suivie d'une période de commentaires ou questions entrainant une discussion entre le présentateur et ses auditeurs. Ces interactions permettent souvent à l'apprenant d'aborder son histoire sous un angle différent et d'apprendre encore sur lui-même: «Cette réflexion crée une tension cognitive forte (repérer, enrichir, créer, désavouer, confirmer, problématiser, transformer nos schèmes de sens) et implique la confirmation, d’adjonction ou la transformation de manières d’interpréter l’expérience […] l’apprentissage transformateur entraine la création de nouveaux schèmes de sens ou la transformation de schèmes existants (Mezirow, 2001, dans Bachelart, 2007)» Les auditeurs peuvent aussi apprendre sur eux-mêmes en faisant des liens entre l'histoire de vie entendue et la leur. Il est toutefois important de laisser la place au présentateur et de ne pas tout rapporter à soi. (Bachelart, 2007)
Lorsque la verbalisation est difficile, par exemple étant donné la maitrise de la langue ou l'âge des apprenants, il est aussi possible d'exprimer l'histoire de vie sous une forme artistique, par exemple par le dessin ou la création de haïku. (Bachelart, 2007)
Conditions favorisant l’apprentissage
La stratégie d'histoire de vie favorise principalement la motivation et la régulation des apprentissages.
Dans ses travaux sur l'autosociobiographie environnementale, Berryman constate les résultats suivants:
«1) Une forme d’émerveillement partagé face aux résultats de l’exercice : il y a innovation et ouverture par rapport aux pratiques éducatives usuelles et à l’approche traditionnelle des savoirs en éducation dans la forme scolaire.
2) L’autobiographie environnementale favorise une approche plus interprétative de l’environnement, une ouverture phénoménologique qui crée une brèche dans le stigmate positiviste qui marque historiquement et encore fortement la notion d’environnement dans les institutions éducatives.» (Berryman, 2007)
Niveau d’expertise des apprenants
Les apprenants peuvent être débutants en ce qui concerne la stratégie, mais au moins intermédiaires en ce qui concerne leur maturité et leur capacité d'introspection.
Étant donné que les apprenants doivent avoir un certain vécu à analyser, cette stratégie est généralement utilisée auprès d'adultes.
Elle pourrait toutefois être testée auprès d'adolescents ayant vécu une transition importante comme l'immigration.
Type de guidage
Un formateur ou un enseignant guide les apprenants débutants en présentant des extraits de sa propre histoire de vie et en expliquant son processus de recherche, d'introspection et d'analyse critique.
Pour l'autosociobiographie environnementale, il peut fournir des modèles d'analyse.
Exemples de 3 modèles:
Type de regroupement des apprenants
Les histoires de vie sont généralement partagées en petits groupes de quatre à huit personnes: une personne raconte son vécu à la manière d'un exposé puis répond aux questions de l'auditoire ou accueille ses commentaires. Ensuite, une autre peut présenter son histoire de vie de la même manière. Des liens peuvent être faits entre les différentes histoires de vie.
Une histoire de vie pourrait être présentée par une seule personne à un grand groupe, mais ressemblerait alors encore plus à un exposé oral.
Milieu d’intervention
Cette stratégie peut être utilisée tant en contexte d'éducation formelle (cours collégial ou universitaire) qu'informelle (milieu travail ou organisme communautaire).
Conseils pratiques et exemples d’utilisation
Il faut prévoir que certaines personnes éprouveront beaucoup de plaisir et de facilité à formuler leur histoire de vie, alors que pour d'autres, ce sera tout le contraire.
Cette stratégie soulève des questionnements professionnels et éthiques quant à son utilisation dans le cadre d'une évaluation: sur quelles bases peut-on évaluer le récit de vie de quelqu’un? (Berryman, 2007)
Bibliographie
Bachelart, D. (2007). Écoformation et mise en oeuvre d’une réflexivité formatrice. Dans Recueil des communications – Colloque international : Le biographique, la réflexivité et les temporalités : Articuler langues, cultures et formation, (335-340). Université François-Rabelais, Tours, 25-27 juin 2007.
Berryman, T. (2007). L’autobiographie environnementale : la prise en compte des dimensions écologiques dans les histoires de vie. Dans Recueil des communications – Colloque international : Le biographique, la réflexivité et les temporalités : Articuler langues, cultures et formation, (331-334). Université François-Rabelais, Tours, 25-27 juin 2007.
Pineau, G. (2012). Histoire de vie et formation de soi au cours de l'existence.Sociétés, 118(4), 39-47.
Webographie
Berryman, T. (2003). L’éco-ontogenèse : les relations à l’environnement dans le développement humain d’autres rapports au monde pour d’autres développements. Éducation relative à l'environnement : Regards - Recherches- Réflexions, 4, pp. 207-228. Adresse URL : https://archipel.uqam.ca/7207/
Espace français. L’autobiographie. Consulté le 1er août 2020 à l’adresse URL : https://www.espacefrancais.com/l-autobiographie/
Veille informationnelle - Ressources disponibles pour rédiger et améliorer la fiche
Boutinet, J., Denoyel, N., Pineau, G. et Robin, J. (2007). Penser l'accompagnement adulte. Paris. France: Presses Universitaires de France.
Galvani P., (2006). Pour une phénoménologie herméneutique des moments d’autoformation : une démarche transdisciplinaire de recherche-formation, Université de Tours, Thèse de Habilitation à Diriger des Recherches.
Pineau, G. (2012). Histoire de vie et formation de soi au cours de l'existence. Sociétés, 118(4), 39-47. doi:10.3917/soc.118.0039.
Pineau, G. et Le Grand, J. (2013). Les histoires de vie. Paris, France: Presses Universitaires de France.
Pineau, G. et Marie-Michèle (1983). Produire sa vie : autoformation et autobiographie. Montréal, Canada : Éditions Edilig et Paris, France : Éditions Saint-Martin.
- Réseau québécois pour la pratique des histoires de vie : une référence au Québec pour toutes les personnes qui se reconnaissent dans les approches autobiographiques, biographiques, narratives et d’histoires de vie -https://rqphv.ca/
- Conversation avec Gaston Pineau - Histoires de vie et écoformation. (12 janvier 2017). Conférence produite et mise ne ligne par le Centre de recherche en éducation et formation relatives à l'environnement et à l'écocitoyenneté (UQAM). Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=ZSC_LVlKFKQ
- Intervention de Pascal Galvani, professeur à l’Université du Québec à Rimouski, directeur de la revue PRÉSENCES : Conscientiser les moments décisifs (kaïros) de la pratique, une voie de recherche réflexive. Disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=tq21AzzI7hw