Différences entre versions de « Instruction »

De Wiki-TEDia
Sauter à la navigation Sauter à la recherche
(Page créée avec « Le terme « instruire » désigne l'action de « … la transmission des connaissances et des compétences qui, au-delà de la simple information, sont destinées à amen... »)
 
(Aucune différence)

Version actuelle datée du 7 mai 2020 à 21:57

Le terme « instruire » désigne l'action de « … la transmission des connaissances et des compétences qui, au-delà de la simple information, sont destinées à amener les individus à s’expliquer le monde, à accroître leur intelligence des choses et le pouvoir de les manier » (Lelièvre, 1999, p. 268). Pour cet auteur, l’instruction constitue une branche subordonnée, voire un « instrument » de l’éducation systématisée dans les institutions éducatives.

En France, l’idée d’instruction véhicule tout d’abord les valeurs de l’éducation laïque, au fondement de l’école républicaine au XVIIIème siècle. Nicolas de Condorcet en est une figure emblématique. Dans sa perspective libératrice et émancipatrice de l’humain, partagée par des philosophes et hommes des sciences du siècle des Lumières, il a fondé la nécessité d’instruction publique sur la reconnaissance de la faculté de chaque humain d’user de façon critique de sa « raison » individuelle, disposant ainsi du « plus sûr moyen de se prémunir contre tout danger d’influence idéologique (royaliste, religieuse, etc.)» (Lenoir & Vanhulle, 2008, p. 62).

L’instruction universelle, gratuite, laïque et obligatoire proposée dans le « Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique » présenté en 1792 à l’Assemblée nationale, vise dès lors à

« donner à tous, sans exception aucune, et non plus à quelques élus, les savoirs essentiels de base qui permettront de se passer par la suite d’un «clergé » quelconque : non que tous puissent devenir Newton ou que tous disposent exactement des mêmes connaissances dans une égalité caricaturale, mais chacun peut et doit accéder à un savoir élémentaire qui développera le seul klêros légitime : sa propre raison critique » (Jolibert, 1993, p. 8)

L'action d'instruire exige de prendre en compte de manière systématique la nature des savoirs dans un domaine scientifique ou professionnel. Dans les institutions d'enseignement, le découpage et l’analyse des savoirs sont faits en fonction des disciplines scolaires (les mathématiques, le français, l’histoire, etc.), qui reflètent en grande partie la division des sciences selon l’objet étudié. Dans cette perspective, c’est bien la prise en compte systématique de la nature de savoirs caractérisant un domaine des connaissances en particulier, qui permet de distinguer l’action didactique de l’action pédagogique (Astolfi & Develay, 1989; Brousseau, 1996; Brousseau & Balacheff, 1998; Caillot, 1992; Caillot & Raisky, 1996; Jonnaert & Van der Borght, 1999). L’approche didactique met de l’avant l’idée que « la nature du savoir à enseigner est déterminante pour l’apprentissage, et par voie de conséquence, pour l’enseignement » (Develay, 1994, p. 96, cit. par Gauthier et al, 1997, p. 95). De par sa relation privilégiée avec les savoirs, l’action didactique concerne donc en premier lieu l’instruction, conformément à ses racines étymologiques, puisqu’en grec didaktikos veut dire « propre à instruire » (provenant du didaskein :instruire).

D’autres auteurs proposent de distinguer la didactique et la pédagogie principalement sur la base d’un critère lié à la temporalité de l’action de l’enseignant, et attribuent à la didactique une fonction de planification et d’anticipation des contenus à transmettre. De leur point de vue, la didactique « s’arrêterait à la porte de la classe » (Altet, 1994, p. 17), alors que la pédagogie interviendrait au sein même du déroulement des situations pédagogiques « en temps réel ». La didactique serait alors synonyme de « design pédagogique » (Legendre, 2005, p. 205), soit de la planification systématique des contenus à transmettre et des situations d’apprentissage en fonction de la nature de ces contenus (Plaisance & Vergnaud, 1993).

Dans le monde du travail et de la formation professionnelle, le découpage et la délimitation des savoirs à transmettre se font en fonction des métiers ou des tâches professionnelles. Dans cette perspective, l’analyse du travail constitue habituellement un préalable qui vise à « s’assurer qu’une formation sera précisément ajustée au domaine professionnel qu’elle a pour but de couvrir ». La démarche de formation recouvre alors habituellement deux ensembles d’action : (1) analyser le travail et les savoirs nécessaires pour réaliser ce travail, et (2) concevoir les contenus de formation en fonction de cette analyse.

Références

Altet, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris: PUF.

Astolfi, J.-F., & Develay, M. (1989). La didactique des sciences. Paris: PUF.

Brousseau, G. (1996). Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques,. In J. Brun (Ed.), Didactique des mathématiques: Delachaux et Niestlé.

Brousseau, G., & Balacheff, N. (1998). Théorie des situations didactiques (didactique des mathématiques, 1970-1990). Paris: La Pensée Sauvage.

Caillot, M. (1992). Vers une didactique cognitive ? Intellectica, 1/2(13-14), 273-289.

Caillot, M., & Raisky, C. (1996). Au-delà des didactiques, le didactique - Débats autour de concepts fédérateurs. Bruxelles: De Boeck.

Develay, M. (1994). Peut-on former des enseignants ? (3 ed.). Paris: ESF.

Gauthier, C., Desbiens, J.-F., Malo, A., Martineau, S., & Simard, D. (1997). Pour une théorie de la pédagogie. Recherches contemporaines sur le savoir des enseignants. Québec, Québec: Les Presses de l'Université Laval.

Jolibert, B. (1993). Condorcet (1743-1794). Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée. Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000, 23(1-2), 201-213.

Jonnaert, P., & Van der Borght, C. (1999). Créer des conditions d'apprentissage. Bruxelles: De Boeck.

Legendre, R. (2005). Dictionnaire actuel de l'éducation (3 ed.). Montréal: Guérin.

Lelièvre, C. (1999). Instruction/Éducation. Dans J. Houssaye (Ed.), Questions pédagogiques. Encyclopédie historique (pp. 267-275). Paris, France: Hachette Éducation.

Lenoir, Y., & Vanhulle, S. (2008). Les finalités en éducation : des discours socio-idéologiques aux positionnements épistémologiques et axiologiques. In D. Favre, A. Hasni & C. Reynaud (Eds.), Les valeurs explicites et implicites en formation des enseignants. Entre "toujours plus" et "mieux vivre ensemble" (pp. 55-73). Bruxelles: De Boeck Université.

Plaisance, É., & Vergnaud, G. (1993). Les sciences de l’éducation. Paris: Éditions La Découverte.