Encyclopédie

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Le terme "encyclopédie" décrit habituellement un ouvrage visant à synthétiser les connaissances et à en montrer l'organisation de façon à les rendre accessibles au public, dans un but d'éducation, d'information ou de soutien à la mémoire collective (Wikipédia,4 mars 2015).

La constitution et la fixation pour des générations futures de la « mémoire collective » sous forme des encyclopédies ont été rendues possibles grâce à l’écrit et à ses différents supports matériels : manuscrit, l’imprimé et aujourd’hui, les technologies numériques. Le développement historique de ces supports matériels a permis aux ouvrages encyclopédiques de devenir de plus en plus facilement accessibles. Il s’est aussi accompagné des changements progressifs dans les façons de concevoir les visées et par conséquent, la forme et le contenu des encyclopédies. L'article "Encyclopédie" de Wikipédia présente un portrait détaillé de l'évolution historique des encyclopédies dans les différentes civilisations. La présentation ci-dessous se concentre sur les quatre caractéristiques des ouvrages encyclopédiques qui sont essentielles à la bonne compréhension des principes guidant la rédaction des articles dans la Banque de stratégies. Il s'agit de :

  1. visée pédagogique;
  2. organisation;
  3. impartialité;
  4. objectivité;

Visée pédagogique

Les encyclopédies sont tout d'abord des ouvrages « pédagogiques »,comme le laisse percevoir l’étymologie du terme « encyclopédie ». Celui-ci, d’origine grecque, est composé des mots « kuklos » - cercle et « paideia » signifiant « éducation » de l’enfant. Toutefois, l’idée de « paideia » en Grèce ancienne, devait, selon Jaeger (1944-46) être prise dans un « sens très large indiquant non seulement l’éducation proprement dite, mais les différentes manifestations de la culture telle qu’on les rencontre dans les œuvres littéraires, les productions artistiques, les traités philosophiques, les conceptions politiques et sociales » (Verbeke, 1949, p. 377). Dans l’analyse de Jaeger, l’idée de «  paideia » concerne donc à la fois «  la formation donnée à la fois par la cité et par un enseignement formel qui est lui-même en harmonie avec ce qu'enseigne la cité de façon informelle » (Agora, 4 janvier 2012). Les projets d’ouvrages encyclopédiques reflètent cette visée pédagogique se situant à l'intersection de l'enseignement "didactique" des connaissances factuelles et conceptuelles stabilisées à un temps donné (« dans le cercle de ce qu’on peut enseigner ») et une visée éducative plus large, fondée sur des valeurs liés à un projet de société (« dans le cercle de ce qu’on doit enseigner »). Dans la civilisation occidentale c'était aussi bien le cas de De Doctrina Christiana de Saint Augustin (395-427), l'œuvre transposant de façon systématique l'organisation philosophique du savoir héritée de l'antiquité à l'enseignement formel de la doctrine chrétienne (Deman, 1957) que celui de l’Encyclopédie ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers de Diderot et D’Alambert. Ainsi, on peut lire dans la préface de Diderot que le but de l’Encyclopédie est :

"de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux, devenus plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain"(Diderot, 1751).

Les visées éducatives larges des projets encyclopédiques ont toujours influencé, de façon plus ou moins explicite, le choix, le traitement et l'organisation des contenus des encyclopédies que ceux-ci soient ou non jugés favorablement ou défavorablement par leurs contemporains ou par la postériorité.

Organisation des connaissances

Une encyclopédie ne vise pas à accumuler des savoirs mais à «  montrer leur enchaînement », autrement dit leur organisation. C’est la visée pédagogique qui commande « la nécessité de la réflexion sur la connaissance et sur sa transmission » (Rey, sd) et distingue ainsi une encyclopédie (générale ou spécialisée) d’un dictionnaire.

Par exemple, pour Diderot, l’Encyclopédie en tant que « l’enchaînement des connaissances » exprimait à la fois l’idée de favoriser la circulation de tous les savoirs, théoriques et pratiques, (Cherni, 2002) et leur présentation "raisonnée" sous forme d'« un arbre généalogique de toutes les sciences et de tous les arts, qui marquât l’origine de chaque branche de nos connaissances, les liaisons qu’elles ont entre elles et avec la tige commune». (Wikipédia, 2015). Tout projet encyclopédique nécessite donc une politique éditoriale qui précise les critères du choix du contenu à transmettre et ceux de l’organisation des articles entre eux. Au cours des siècles, différents critères de l’organisation ont été adoptés :

  • organisation thématique : a pour but de « faciliter dans l'esprit du lecteur l'établissement de liens entre les divers éléments » ( Wikipédia); de démontrer les liaisons entre les connaissances et de favoriser une lecture « en profondeur »;
  • organisation alphabétique : instauré pour faire face à l’expansion continue des connaissances; elle permet d’ajouter de nouveaux articles sans se soucier de leur relations avec les autres articles; chez le lecteur, ce type d’organisation favoriserait plutôt une lecture cumulative « en largeur » et une « flânerie » au grès des pages;
  • organisation mixte : solution hybride, combinant l’organisation thématique et alphabétique qui a été adoptée par certaines grandes encyclopédies occidentales au XXième siècle ;
  • réseau : les technologies de l’hypertexte ont facilité la segmentation du contenu des encyclopédies diffusées en ligne en articles et leur constitution en un ensemble interconnecté (réseau) à l’aide d’hyperliens. Dans les encyclopédies traditionnelles (Britannica, Universalis) diffusées en ligne, l’organisation hypertextuelle n’a pas pour autant supprimé la nécessité de donner une « vue d’ensemble » d’un domaine, autrement dit, une vue de son « organisation » ou de sa « structure », à laquelle elles proposent diverses solutions (organisation thématique explicite, rubriques "voir aussi"), chronologique sous forme de curseur temporel, etc)..
  • arborescence : l'outil de MediaWiki utilisé par Wikipédia permet d’organiser les articles sous la forme d’arborescence à l’aide des catégories. L’arborescence permet une sorte d’organisation thématique fondée sur les relations «hiérarchiques» entre les articles. Les articles se voit attribuer « à une ou plusieurs catégories de sorte que le lecteur peut facilement trouver tous les articles de la même catégorie ainsi que ceux de la catégorie hiérarchiquement supérieure ».

Impartialité

Depuis le XVIII siècle, les encyclopédies occidentales se donnent comme projet la transmission des connaissances scientifiques. Elles adoptent donc la contrainte d’impartialité, présenté comme suit dans la Grande Encyclopédie :

la Grande Encyclopédie n'a et ne peut avoir d'autre règle que l'impartialité de la science. [...] Elle expose les faits avec une scrupuleuse exactitude, les théories diverses ou contradictoires avec impartialité: il appartient au lecteur de comparer et de conclure.

Pour cheminer vers cet idéal de savoir objectif, un article encyclopédique se doit de « multiplier les points de vue, les interprétations » sur un objet (Rey, sd), de façon à en présenter les divers aspects. Pour cela, les rédacteurs d’encyclopédies ont adopté deux règles de rédaction :

  • présentation sous forme d'un exposé présentant la synthèse des connaissances sur un sujet, stabilisées au temps t (celui de la rédaction). Ainsi, une encyclopédie n’est pas le lieu pour un débat, mais bien celui de synthèse des différents points de vue et de "l’interprétation à posteriori des propositions » (Rey, sd). Pour ce faire, il est nécessaire de procéder en s’appuyant sur des sources d’information variés et crédibles.
  • adoption d'un style « neutre » caractéristique du « discours scientifique de vulgarisation » rigoureux (Wikipédia). Un tel style se caractérise par l'effacement de l'énonciateur (du "je") au profit du référent ou de tournures impersonnelles, par l'absence de modalités appréciatives et de l'émotion, et des figures de style ( la métaphore, l'ironie...). Il s'agit d'un style simple, sobre, clair, précis et compréhensible du grand public.

De plus, une encyclopédie tend vers une certaine homogénéité du style des articles la composant.

Objectivité

La visée d’impartialité est liée de près à celle de l’objectivité - pierre angulaire de la démarche scientifique. En effet, les encyclopédies occidentales se sont inscrites, depuis le XVIIIième siècle, dans la perspective scientifique du développement des connaissances objectives qui seraient "indépendantes de « nos affects, de notre culture, de nos grands partis pris fondateurs, du caractère contextuel de nos systèmes de pensée" (Klein, 2011, p. 116). Dans cette perspective, orientée par le positivisme et centrée tout d’abord sur le développement des sciences de la nature, l’objectivité des informations présentées dans une encyclopédie s’appuyait sur la distinction entre les « jugements de valeur » et les « jugements de faits », liée à l'idée de séparation du sujet connaissant et de l’objet de la connaissance.

Le développement des sciences de l’homme à la fin du XiXième siècle a cependant remis en cause ce postulat. En effet, les sciences humaines portent non pas sur les phénomènes du monde naturel, mais sur les significations des conduites humaines, individuelles ou sociales, qui sont toujours culturelles. La question posée était dès lors : les sciences humaines peuvent-elles (doivent-elles) « mettre les valeurs entre parenthèses et expulser de ses objets le caractère de valeurs qu'ils revêtent pour les acteurs » ? (Granger, sd). Le débat sur cette question épistémologique fondamentale pour les sciences humaines s’est poursuivi tout au long du XXième siècle. Les critiques les plus acerbes de l'idée de l'objectivité scientifique sont venues de la sociologie des sciences et plus particulièrement des représentants du courant relativiste en sociologie de la science. Les sociologues de ce courant considèrent que les scientifiques, comme tous les humains

sont des gens partisans, intéressés, et que leurs jugements sont affectés par leur condition sociale, leurs ambitions ou leurs croyances. Selon eux (les relativistes), l’ objectivité de la science devrait nécessairement impliquer l’impartialité individuelle des scientifiques eux-mêmes : elle serait une sorte de point de vue de nulle part, situé au-dessus des passions, des intuitions et des préjugés (Klein, 2013,p. 20).


Notes et références

(Note 1) Arborescence : En théorie des graphes, une arborescence est un graphe orienté par lequel chaque sommet a un seul antécédent sauf un sommet qui n’a pas d’antécédent et qui est appelé racine. Il s'y distingue de l'arbre qui est un graphe donc les arcs son non orientés (bidirectionnels), mais cette distinction est souvent omise en informatique, qui assimile couramment l'arborescence à l'arbre (Guyomard, 2011). Cette présentation simple peut être consultée sur le site de L'École d'ingénieurs de l'Université de Savoie.

Boudon, R. (2003). Les sciences sociales et les deux relativismes. Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XLI-126 , mis en ligne le 30 novembre 2009, consulté le 05 mars 2015. URL : http://ress.revues.org/531

Cherni, A. (2002). Diderot. L'ordre et le devenir. Genève: Droz.

Deman, T. (1957). Le traitement scientifique de la morale chrétienne selon Saint Augustin. Institut d'Études médiévales, Montréal/ Libraire Philosophique Vrin, Paris.

Encyclopédie. (2015, mars 3). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 6 mars 2015 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Encyclop%C3%A9die&oldid=112393434.

Granger, G. Épistémologie.

Guyomard, M. (2011). Structures de données et méthodes formelles.Paris : Springer-Verlag France.

Jaeger, W. (1944-1946). Paideia: the Ideals of Greek Culture. Oxford. (Trad. fr. 1964 : Paideia, la formation de l'homme grec, Paris, Gallimard).

Klein, É. (2011). Le small bang des nanotechnologies. Paris: Odile Jacob.

Klein, É. (2013). Faut-il croire la science ? Études 1 (418), 19-29. URL : www.cairn.info/revue-etudes-2013-1-page-19.htm.

Paideia. Encyclopédie de l'Agora.

Rey, A.« Encyclopédie », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 4 mars 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/encyclopedie/

Verbeke, G. (1949). Les idéals culturels de la Grèce. Revue Philosophique de Louvain, 47(15). 377-386.