Différences entre versions de « L'apprentissage dans l'approche cognitive »

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L'apprentissage est défini le plus souvent en tant que "toute modification stable des comportements ou des activités psychologiques attribuable à l'expérience du sujet" (Le Ny, 1990) et se traduisant par un accroissement de son répertoire, de ses capacités à réaliser une tâche, autrement dit par un "progrès".
 
Cette définition très générale permet de mettre de l'avant les caractéristiques suivantes de l'apprentissage :
 
* l'apprentissage est un "produit" ou un "résultat" de l'expérience,
 
* l'expérience consiste en interaction d'un organisme vivant avec le milieu ;
 
* pour être considéré comme relevant de l'apprentissage, la modification ne doit pas résulter principalement ou uniquement de la maturation de l’organisme,  ni d’un mécanisme psychophysiologique tel que la fatigue, le stress, le vieillissement ni de l’action d’une substance extérieure agissant sur le comportement ou sur le psychisme;
 
* la modification doit être stable, c'est-à-dire perdurer dans le temps;
 
* la modification peut concerner le "comportement" '''et/ou''' les "activités psychologiques".
 
 
Cette dernière caractéristique permet de distinguer, deux principales conceptions de l'apprentissage, développées par les principaux paradigmes de l'apprentissage élaborés dans le cadre de la psychologie scientifique au XXième siècle :
 
 
* le paradigme béhavioriste centré sur l'étude du comportement '''excluant''' les "activités psychologiques". Le terme "comportement" correspondant à l'anglais ''behaviour'' et à l'américain ''behavior''  a été réintroduit en psychologie de la langue française en tant que "manière d'être et d'agir des Animaux et des Hommes, manifestations objectives de leur activité globale" (Piéron, 1907). Le paradigme béhavioriste est fondé sur postulat selon lequel la psychologie scientifique ne peut avoir pour objet d'étude que le comportement "objectif" c'est-à-dire celui qui est observable de façon externe, ou "publiquement" observable (par opposition à "observable de façon privé" ou par le "regard interne"  du sujet sur lui-même). Dans ce cadre, l'apprentissage consiste en modification du comportement soit "de l'ensemble des réactions objectivement observables qu'un organisme généralement pourvu d'un système nerveux exécute en réponse aux stimulations du milieu, elles mêmes objectivement observables" (Watson, 1913). En accord avec cette conception du "comportement", le béhaviorisme a exclu de son champ d'étude toutes les activités "psychologiques" et "internes" car celles-ci ne seraient pas publiquement observables. Ce  faisant, le paradigme béhavioriste a rejeté vigoureusement toute tentation "métaphysique" de l'étude de l'âme, de l'esprit ou de la conscience.
 
 
* le paradigme cognitif centré sur l'étude du comportement '''incluant''' des "activités psychologiques". Dans ce paradigme, le concept de "comportement" s'élargit pour inclure les activités psychologiques. Ainsi, pour Jean Piaget, l'un des pionniers de l'approche cognitive de l'apprentissage, le comportement est "l'ensemble des actions que les organismes exercent sur le milieu extérieur pour en modifier des états ou pour changer leur propre situation par rapport à lui" et il doit être vue dans une perspective développementale, aussi bien au plan phylogénétique qu'ontogéntique : "ne consistant d'abord qu'en conduites sensori-motrices (perceptions et mouvements combinés), le comportement aboutit à des intériorisations représentatives, comme dans le cas de l'intelligence humaine ou les actions se prolongent en opérations mentales" (Piaget, 1976, p. 7). Le paradigme cognitif réhabilite également le recueil du témoignage verbal du sujet sur son expérience, en tant que source de données empiriques valide (Ericsson et Simon, 1984).
 
 
  
 
L’approche cognitive de l’apprentissage constitue un élargissement, et parfois une remise en question, du paradigme cognitiviste «classique » de traitement de l’information. Depuis les années 1990, elle prend en considération l’inscription corporelle, sociale et historique de la cognition humaine, de même que son caractère distribué entre les humains et les diverses composantes de l’environnement culturel et matériel.  
 
L’approche cognitive de l’apprentissage constitue un élargissement, et parfois une remise en question, du paradigme cognitiviste «classique » de traitement de l’information. Depuis les années 1990, elle prend en considération l’inscription corporelle, sociale et historique de la cognition humaine, de même que son caractère distribué entre les humains et les diverses composantes de l’environnement culturel et matériel.  
Dans cette perspective Alexander, Schallert et Reynolds (2012, p. 186) ont proposé de définir de façon très large l’apprentissage en tant que
 
  
::"… a multidimensional process that results in a relatively enduring change in a person or persons, and consequently how that person or persons will perceive the world and reciprocally respond to its affordances physically, psychologically, and socially. The process of learning has as its foundation the systemic, dynamic, and interactive relation between the nature of the learner and the object of the learning as ecologically situated in a given time and place as well as over time.
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Les sections suivantes présentent les principales caractéristiques du concept d'apprentissage dans l'approche cognitive.
  
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== Comment définit-on l'apprentissage dans l'approche cognitive? Quelles sont les principales composantes conceptuelles des définitions courantes de l'apprentissage ? ==
  
Les recherches sur l’apprentissage réalisées en sciences cognitives peuvent être classées en trois grands courants (Bransford et al. 2006) :
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Les définitions de l’apprentissage proposées dans les encyclopédies ou dans les manuels en psychologie ou en sciences de l’éducation décrivent habituellement l’apprentissage comme :
# Les recherches sur [http://www.scienceshumaines.com/l-apprentissage-implicite-une-approche-cognitive-neuropsychologique-et-developpementale_fr_11215.html l’apprentissage implicite] et le cerveau (par exemple, l’apprentissage des langues chez les jeunes enfants);
 
# Les recherches sur l’apprentissage informel (par exemple, l’apprentissage des conduites sociales acceptables au sein de la famille, l’apprentissage quotidien dans les groupes et les réseaux sociaux);
 
# Les recherches sur l’apprentissage formel soit celui qui se déroule dans les dispositifs d’enseignement intentionnellement conçus dans ce but.
 
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Cependant, cette catégorisation l’apprentissage ne fait pas l’unanimité dans le champ éducatif (Réf à compléter).
 
  
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* «... toute modification stable des [[comportement|comportements]] ou des activités psychologiques attribuable à l'expérience du sujet" (Le Ny, 1990, np) ;
  
L'apprentissage est donc un phénomène complexe qui est abordé, dans l'approche cognitive, selon plusieurs perspectives complémentaires.
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* « ... un changement dans le comportement d’un organisme résultant d’une interaction avec le milieu est se traduisant par un accroissement de son répertoire. (…) tout apprentissage implique évidemment la mémoire et on pourrait soutenir que l’apprentissage et mémoire se confondent.» (Simon, 1991, p. 49);
  
{{Encadré|Pour en savoir plus, voici les lectures proposées aux étudiants dans le cours TED 6210 :
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* « Chez un individu, modification de sa capacité de réaliser une tâche sous l’effet des interactions avec son environnement. Selon le contexte, le terme désigne le processus ou le résultat du processus. Il est généralement entendu que la modification consiste en un progrès. Dans les sciences de l’éducation, modalité d’acquisition des connaissances, des compétences ou des aptitudes.» (George, 1994, p. 58 );
Pour commencer (lecture obligatoire) :
 
* Schneider, M., & Stern, E. (2010). L’apprentissage dans une perspective cognitive. In H. Dumont, D. Istance, & F. Benavides (Eds.), Comment apprend-on? La recherche au service de la pratique (pp. 73-95). Paris, France : Éditions OCDE.}}
 
  
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*  « L’apprentissage, c’est le changement produit dans le comportement ou le potentiel de comportement d’un sujet dans une situation donnée par la suite d’expériences répétées du sujet dans cette situation, à condition que ce changement de comportement ne puisse s’expliquer par des tendances innés du sujet, la maturation ou des états temporaires (ex. fatigue, ivresse, moments d’exaltation » (Bower et Hilgard, 1981, cit. par  Goupil et Lusignan, 1993, p. 9).
  
== La perspective évolutionniste ==
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Comme la plupart de définitions du concept de l’apprentissage, les quatre exemples de définitions citées plus haut partagent les idées suivantes :
  
Les mécanismes d'apprentissage assurent l'adaptation à l'environnement. Le système cognitif humain, grâce auquel ces mécanismes sont mis en oeuvre est un système biologique spécialisé, qui a évolué afin de permettre à l’espèce humaine une meilleure adaptation à son environnement, et qui, en même temps, a contribué à transformer cet environnement naturel en environnement culturel. L'incroyable faculté d’adaptation des humains réside principalement dans leurs capacités d’apprendre de nouvelles connaissances, dès la naissance (ou même avant) jusqu’à la vieillesse.
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*  l’apprentissage est une modification ou un changement constaté chez un « sujet », qui est un être vivant individuel, animal ou homme. Bien que l’approche cognitive étudie également l’apprentissage à d’autres niveaux d’analyse, notamment au niveau de la dyade, du groupe ou de l’organisation et s'intéresse à leurs relations avec l’apprentissage individuel, du point de vue éducatif, on s’entend généralement pour dire que le sujet de l’apprentissage est une personne humaine. Cette perspective se traduit par des affirmations selon lesquelles c’est « l’apprenant qui apprend » (sous-entendu: personne ne peut apprendre à sa place, et surtout pas un enseignant).
  
Les humains partagent certains des mécanismes d’apprentissage avec d’autres animaux, par exemple, le [http://conditionnement%20http://fr.wikipedia.org/wiki/Conditionnement_(psychologie) conditionnement]. <br />
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*  l'apprentissage est un "produit" ou un "résultat" de l'expérience  mais aussi un « processus » dans lequel l’expérience joue un rôle clé;
  
D’autres processus semblent spécifiques à l’homme, le distinguant ainsi de ses plus proches cousins, les primates. Il en serait ainsi de la '''capacité à enseigner''' et de la '''capacité à apprendre à partir de ces enseignements''', deux capacités dans lesquelles le langage joue un rôle primordial (Tomasello et al.,1993, Tomasello, 2009). Des théories cognitives récentes s'intéressent à la conceptualisation des situations d'enseignement dans cette perspective, en démontrant  par exemple que les enfants abordent ces situations avec un ensemble d'attentes et des préconceptions qui orientent leurs processus cognitifs d'apprentissage (Csibra et Gergely, 2009). Par exemple, les enfants et les adultes s'attendent à ce que les enseignants présentent des connaissances généralisables et sémantiquement cohérentes (Shafto et al, 2010).
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*  l'expérience est décrite généralement en termes de l’interaction du sujet avec le milieu (physique, social, culturel, historique, etc.) ;
  
La perspective évolutionniste propose que les humains ont évolué pour acquérir un certain type des connaissances leur permettant de survivre et de s’adapter à leur environnement naturel et social. Ces connaissances biologiquement '''primaires''' concernent le monde naturel (la biologie naïve – ''[http://mitpress.mit.edu/books/folkbiology folk biology]'' et la physique naïve, ''[http://en.wikipedia.org/wiki/Na%C3%AFve_physics folk physics']') et social (la psychologie naïve, ''[http://en.wikipedia.org/wiki/Na%C3%AFve_physics ''folk psychology'']'').
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pour être considéré comme relevant de l'apprentissage, le changement ne doit pas résulter principalement ou uniquement de la maturation biologique ou psychophysiologique de l’organisme. Autrement dit, l’apprentissage est de l’ordre de l’acquis et non pas de celui de l’inné. Contrairement aux comportements innés, les comportements appris ne sont pas transmis d’une génération à l’autre par le truchement du code génétique. L’apprentissage de ces comportements doit donc recommencer à chaque génération et pour chaque individu. Toutefois, l’apprentissage – et la possibilité même de ce que les individus appartenant à une même espèce peuvent potentiellement apprendre  -  dépend inévitablement du bagage génétique de l’espèce. Les extraordinaires possibilités d'apprentissage qui caractérisent l’espèce humaine la distinguent profondément des autres espèces animales;
  
Elles sont acquises au moyen de processus cognitifs qui peuvent être plus ou moins complexes, allant de l’imitation à la résolution de problèmes, la planification et la prise de décision. Ces processus sont mis en œuvre sans qu’ils aient fait l’objet d’un apprentissage préalable dirigé consciemment et volontairement vers leur acquisition. Autrement dit, en possédant des connaissances suffisantes sur un domaine, tout humain peut mettre naturellement en œuvre certains processus cognitifs génériques. Par exemple, une stratégie de résolution de problèmes dite "[http://www.bcp.psych.ualberta.ca/~mike/Pearl_Street/Dictionary/contents/M/meansends.html analyse moyens-fin]" (ou analyse des moyens et des buts qui nécessite de comparer le but que l'on souhaite atteindre et la situation actuelle et réduire progressivement les différences entre les deux situations), est facilement mise en œuvre par des enfants très jeunes pour résoudre des problèmes quotidiens, lorsqu'ils possèdent des connaissances suffisantes sur la situation (Siegler ''et al'', 2010).
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*  le changement doit être stable, c'est-à-dire perdurer dans le temps et il ne doit pas résulter d’un mécanisme psychophysiologique tel que la fatigue, le stress, le vieillissement ou de l’action d’une substance extérieure agissant sur le comportement ou sur le psychisme;
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Les connaissances biologiquement '''secondaires''' sont les connaissances développées, accumulées et transmises au moyen des divers outils, dispositifs et procédés par chaque société humaine. Pour un individu, l’acquisition de ces connaissances considérées comme nécessaires pour participer à la vie d’une société dans une période historique donnée, nécessite la mise en œuvre des processus d’apprentissage spécifiques. Ces apprentissages ont habituellement lieu dans les institutions éducatives conçues intentionnellement dans ce but. Ils sont dépendants dans une large mesure des connaissances et des processus biologiquement primaires, mais, à la différence de ceux-ci, ils nécessitent des activités cognitives intentionnellement régulés et, par conséquent, soumises à un contrôle conscient, au moins dans les premières phases de l’apprentissage. Pour acquérir la grande majorité des connaissances secondaires, l’individu doit s’engager et persévérer dans des activités qui nécessiteront de sa part bien des efforts et de la motivation. Le rôle des enseignants et des concepteurs consiste dès lors à mettre en œuvre des stratégies pédagogiques facilitant l’engagement cognitif et la persistance dans l’activité d’apprentissage des connaissances secondaires, en mettant à contribution les connaissances et les processus biologiquement primaires.
 
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La perspective évolutionniste fournit un cadre explicatif à de nombreux phénomènes d’apprentissage. Par exemple, elle permet d’expliquer pourquoi les enfants apprennent si facilement à parler, alors qu’ils doivent faire de nombreux efforts pour apprendre à lire, ou encore pourquoi les humains sont habituellement très motivés à rechercher et à mémoriser les informations sur les personnes et les relations sociales les concernant directement alors qu’ils doivent mettre en œuvre des activités plus coûteuses en ressources cognitives s’agissant des connaissances du même type mais concernant une époque historique éloignée de la leur.
 
  
Les chercheurs qui travaillent dans cette perspective proposent l'hypothèse selon laquelle les différences entre l'apprentissage formel et informel peuvent être expliquées par les différences existant entre les apprentissages primaires et les apprentissages secondaires (Geary, 2000; 2005;2009). Ainsi, les processus et les types de connaissances impliqués dans l’apprentissage implicite et l’apprentissage informel ont été qualifiés de « '''primaires''' », tandis que la plupart des processus et des connaissances visés par des dispositifs formels concernent les apprentissages dits « '''secondaires''' ». <br />
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*  le changement se traduit par un accroissement du répertoire comportemental du sujet ou de ses capacités à réaliser une tâche, autrement dit le résultat de l’apprentissage est considérée comme un « progrès » dans le développement du sujet. L’idée de « progrès » souvent considérée comme une « meilleure adaptation » à l’environnement, implique un jugement sur la « valeur » de ce qui est appris, et indique l’importance de la dimension éthique et normative du concept d’apprentissage.
  
Si chaque personne est unique, elle apprend avec un  équipement cognitif commun à l'espèce.
 
  
== La perspective cognitiviste  ==
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== Un peu d'histoire : le développement de l'approche cognitive de l'apprentissage ==  
  
Il existe plusieurs théories cognitivistes relatives à l’apprentissage. Elles partagent le postulat fondamental selon lequel le système cognitif humain est un système de traitement de l’information et définissent l’apprentissage comme un ensemble des processus permettant d’acquérir de nouvelles connaissances ou de transformer les connaissances existantes.
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Les quatre définitions citées plus haut partagent une autre idée importante. Elles décrivent l’apprentissage à la fois en tant que changement dans le '''comportement''' (sous-entendu : phénomène qui peut être observé "publiquement", en anglais on le qualifie aussi de "overt") et dans '''l’activité psychologique''' : mémoire, connaissances, compétences, attitudes, habiletés, potentiel...) (sous-entendu : phénomène inobservable "publiquement", en anglais qualifié de "covert").
  
Ces théories accordent un statut central aux informations que les humains se représentent, aux processus qu’ils utilisent pour traiter ces informations et aux limites du système cognitif qui contraignent la quantité d’information qu’ils peuvent représenter et traiter en réalisant une tâche donnée. 
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Ces définitions intègrent donc des deux grands paradigmes de l’étude scientifique de l’apprentissage qui se sont succédé au XXième siècle : le paradigme béhavioriste et le paradigme cognitif :
  
Les processus d’apprentissage consistent en divers processus cognitifs (liés aux processus perceptifs et moteurs) conduisant aux changements relativement permanents dans les structures cognitives stabilisées en mémoire à long terme. Cette conception de l’apprentissage repose sur le postulat selon lequel on peut décrire les facultés cognitives humaines comme un système cognitif de traitement de l’information. L’idée de « système » permet d’envisager deux types de contraintes qui déterminent les processus de traitement de l’information :
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* le [[Béhaviorisme|paradigme béhavioriste]] était centré sur l'étude du comportement observable, '''excluant''' les "activités psychologiques". Il a permis d'élaborer des connaissances sur les'''apprentissages élémentaires''', dans lesquels les réponses comportementales sont sous le contrôle des stimuli environnementaux et qui sont réalisés sans l'intervention de processus de symbolisation liés au langage.
  
* les contraintes structurelles,
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* le paradigme cognitif centré sur l'étude du comportement '''incluant''' des "activités psychologiques". En fait, ce paradigme a proposé qu'il est possible d'étudier scientifiquement non seulement le comportement "observable" mais aussi le comportement "inobservable" car "situé dans la tête" d'un individu. Il est centré sur l'étude des '''apprentissages complexes''' assimilés aux apprentissages "symboliques" car médiatisées par les processus symboliques liés au langage.
* les contraintes fonctionnelles.
 
  
Les contraintes structurelles sont liées aux composantes du système cognitif et à leurs relations réciproques : c’est ce qu’on appelle aussi « l’architecture cognitive ». Les contraintes fonctionnelles concernent principalement la capacité de traitement quantitatif et qualitatif des informations par le système cognitif humain. Les recherches en sciences cognitives ont démontré que cette capacité est limitée, mais que les humains ont trouvé des moyens permettant de contourner cet obstacle.
 
La théorie de la charge cognitive, sur laquelle s'appuient de très nombreuses recherches réalisées dans le cadre de la instructional theory, traite en profondeur des processus cognitifs réalisés dans la mémoire de travail et dans la mémoire à long terme et de leurs conséquences sur l'apprentissage.
 
  
{{Encadré|Pour en savoir plus, voici les lectures et ressources web proposées aux étudiants dans le cours TED 6210 :
 
Pour commencer (lectures obligatoires):
 
* Dubuc, B. (n.d.). ''Mémoire et apprentissage''. Récupéré du site Le cerveau à tous les niveaux! :http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_07/a_07_p/a_07_p_tra/a_07_p_tra.html
 
* Willingham, D. T. (2010). Pourquoi les enfants n’aiment-ils pas l’école? (chapitre 1). In D. T. Willingham (Ed.), ''Pourquoi les enfants n’aiment pas l’école?'' (pp. 3-23). Paris, France : La Librairie des Écoles.
 
  
Pour approfondir (lectures optionnelles):
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== Notes et références ==
* Chanquoy, L., Tricot, A., & Sweller, J. (2007). ''La charge cognitive. Théorie et applications'' (pp. 131-188). Paris, France : Armand Colin.
 
* Hilton, H. (2009). ''Théories d’apprentissage et didactique des langues''. Récupéré du site La clé des langues : http://cle.ens-lyon.fr/anglais/theories-d-apprentissage-et-didactique-des-langues-78014.kjsp
 
* Tricot, A. (1998). Charge cognitive et apprentissage. Une présentation des travaux de John Sweller. ''Revue de Psychologie de l’Éducation, 1'', 37-64.}}
 
 
 
Les mécanismes et les processus d'apprentissage sont différents selon les types des connaissances. Certains processus cognitifs permettent d’élaborer principalement les connaissances sur le monde (savoir que), tandis que d’autres des connaissances qui aident à agir dans le monde (savoir comment). Mais dans la vie quotidienne, les deux familles des processus d'apprentissage agissent de concert.
 
 
 
 
 
La primauté du sujet « informé » qui acquiert des connaissances uniquement par la structuration cognitive antérieure est maintenant largement admise, de même que l’importance des buts et du feedback dans la structuration du comportement.
 
 
 
== La perspective constructiviste ==
 
 
 
En raison de l’importance accordée à l’activité cognitive de l’individu,l’approche cognitive est une approche intrinsèquement constructiviste de l’apprentissage (De Corte, 2010, p. 54). Dans cette perspective, il est admis que :
 
:… une personne développe son intelligence et construit ses connaissances en action et en situation et par la réflexion sur l’action et ses résultats. La personne appréhende et comprend les situations nouvelles à travers ce qu’elle sait déjà et modifie ses connaissances antérieures afin de s’y adapter. Chaque adaptation à une situation permet d’élargir et d’enrichir le réseau de connaissances antérieures dont dispose une personne et cette progression continue du réseau lui permet de traiter des situations de plus en plus complexes (Masciotra, 2007, p. 42).
 
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{{Encadré|Pour en savoir plus, voici les lectures proposées aux étudiants dans le cours TED 6210 :
 
Pour commencer (lecture obligatoire):
 
* Bächtold, M. (2012). Les fondements constructivistes de l’enseignement des sciences basé sur l’investigation », Tréma [En ligne], 38, mis en ligne le 01 décembre 2014, Consulté le 11 mai 2015. URL : http://trema.revues.org/2817
 
 
 
Pour approfondir (lectures optionnelles):
 
 
 
 
 
* Bächtold, M. (2012)« Epistémologie et didactique de la physique : le constructivisme en question », Tréma [En ligne], 38, mis en ligne le 01 décembre 2014. URL : http://trema.revues.org/2815
 
 
 
* Mayer, R. (2002). Rote versus meaningful learning. ''Theory Into Practice, 41''(4), 226-232.
 
 
 
* Phillips, D. C. (1995). The good, the bad, and the ugly: The many faces of constructivism. ''Educational researcher, 24''(7), 5-12. En ligne dans la B@D, et ici : http://ocw.metu.edu.tr/pluginfile.php/9155/mod_resource/content/1/1177059.pdf
 
 
 
}}
 
 
 
== La perspective culturelle ==
 
 
 
Les humains se caractérisent par leur capacité à apprendre à partir des enseignements intentionnellement élaborés et destinés à autrui, notamment aux plus jeunes (Tomasello et al., cit. Siegler, p. 29). En effet, dans toutes les cultures les adultes enseignent aux jeunes les traditions et les découvertes qu’eux et leurs ancêtres ont faites dans le passé. Cet enseignement  permet à la nouvelle génération de ne pas avoir à « tout recommencer »  et assure le caractère cumulatif des connaissances élaborées par les générations successives. Cette capacité d’apprentissage social très sophistiquée est également cruciale pour permettre à l’être humain de faire face à des changements culturels parfois rapides, puisqu'elle assure une transmission rapide des informations et des connaissances au sein d’un groupe donné. 
 
 
 
Le langage joue le rôle crucial dans la cognition humaine et dans l’apprentissage, en raison de la possibilité qu’il offre de représenter et de communiquer les connaissances. Les recherches portant sur les pratiques de la transmission des connaissances dans différentes cultures ont démontré ainsi l'importances des interactions langagières entre des adultes et des jeunes. Un exemple frappant de la façon dont les adultes favorisent "naturellement" l'apprentissage des enfants dans toutes les cultures, est l'utilisation du "mamanais" (en anglais "motherese"). Ce langage "spécial bébé se caractérise par les  intonations ralenties et modulées utilisant de nombreuses répétitions, questions et par la simplification de la syntaxe (réf à compléter).
 
  
De nombreux chercheurs abordent l'aide dans l'apprentissage offerte par l’adulte au jeune, au moyen du concept vygotskien de l’étayage social (en anglais : ''scaffolding''). Siegler (2010)  explique l’idée de l'étayage en la comparant avec les actions de la construction des échafaudages dans la construction des bâtiments :
+
George, C. (1994). Apprentissage. Dans Bloch, H., Chemama, R. Gallo, A., Leconte, P. Le Ny, J-F. et al. (Éd). ''Grand dictionnaire de la psychologie'' (pp. 58-64). Paris : Larousse.
: « les échafaudages sont les structures métalliques permettant aux maçons de travailler en hauteur tandis qu’ils construisent les fondations des bâtiments. Une fois que la fondation est construite, elle peut supporter les maçons, ce qui permet d’enlever l’échafaudage. De façon similaire, la façon dont les parents enseignent à leurs enfants correspond au modèle de l’échafaudage : ils jouent un rôle actif lorsque les enfants débutent l’apprentissage d’une habileté et se retirent progressivement au fur et à mesure que les enfants en présentent une meilleure maîtrise » (Siegler, 2010, p. 27).  
 
  
Le rôle de l’étayage offert par les personnes plus « compétentes » est bien illustré par les recherches qui démontrent que les adultes sont généralement plus efficaces que les enfants pour le réaliser : ils ont tendance à impliquer davantage les enfants dans la prise de décision et à les aider à construire des stratégies pour résoudre les problèmes futurs. De façon semblable, les enfants réussissent mieux lorsqu’ils ont précédemment résolu des problèmes avec leur parent plutôt qu’avec leur pair (Siegler, 2010, p. 27).
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Goupil, G. et Lusignan, G. (1993). ''Apprentissage et enseignement en milieu scolaire''. Montréal : Gaëtan Morin.
 
 
== Notes et références ==
 
  
Le Ny,J.-F. (1990), ''Apprentissage''. Dans Encyclopaedia Universalis, Paris.
+
Le Ny,J.-F. (1990), ''Apprentissage''. Dans ''Encyclopaedia Universalis'', Paris. En ligne (accès payant) : http://www.universalis.fr/encyclopedie/apprentissage/
  
Piaget, J. (1976). ''Le comportement, moteur de l'évolution''. Paris, Gallimard.
+
Simon, H. (1991). Apprentissage. Dans Doron, R. et Parot, F. (Éd.) ''Dictionnaire de psychologie.''(pp. 49-52). Paris : PUF.

Version du 25 mai 2015 à 10:15

L’approche cognitive de l’apprentissage constitue un élargissement, et parfois une remise en question, du paradigme cognitiviste «classique » de traitement de l’information. Depuis les années 1990, elle prend en considération l’inscription corporelle, sociale et historique de la cognition humaine, de même que son caractère distribué entre les humains et les diverses composantes de l’environnement culturel et matériel.

Les sections suivantes présentent les principales caractéristiques du concept d'apprentissage dans l'approche cognitive.

Comment définit-on l'apprentissage dans l'approche cognitive? Quelles sont les principales composantes conceptuelles des définitions courantes de l'apprentissage ?

Les définitions de l’apprentissage proposées dans les encyclopédies ou dans les manuels en psychologie ou en sciences de l’éducation décrivent habituellement l’apprentissage comme :

  • «... toute modification stable des comportements ou des activités psychologiques attribuable à l'expérience du sujet" (Le Ny, 1990, np) ;
  • « ... un changement dans le comportement d’un organisme résultant d’une interaction avec le milieu est se traduisant par un accroissement de son répertoire. (…) tout apprentissage implique évidemment la mémoire et on pourrait soutenir que l’apprentissage et mémoire se confondent.» (Simon, 1991, p. 49);
  • « Chez un individu, modification de sa capacité de réaliser une tâche sous l’effet des interactions avec son environnement. Selon le contexte, le terme désigne le processus ou le résultat du processus. Il est généralement entendu que la modification consiste en un progrès. Dans les sciences de l’éducation, modalité d’acquisition des connaissances, des compétences ou des aptitudes.» (George, 1994, p. 58 );
  • « L’apprentissage, c’est le changement produit dans le comportement ou le potentiel de comportement d’un sujet dans une situation donnée par la suite d’expériences répétées du sujet dans cette situation, à condition que ce changement de comportement ne puisse s’expliquer par des tendances innés du sujet, la maturation ou des états temporaires (ex. fatigue, ivresse, moments d’exaltation » (Bower et Hilgard, 1981, cit. par Goupil et Lusignan, 1993, p. 9).

Comme la plupart de définitions du concept de l’apprentissage, les quatre exemples de définitions citées plus haut partagent les idées suivantes :

  • l’apprentissage est une modification ou un changement constaté chez un « sujet », qui est un être vivant individuel, animal ou homme. Bien que l’approche cognitive étudie également l’apprentissage à d’autres niveaux d’analyse, notamment au niveau de la dyade, du groupe ou de l’organisation et s'intéresse à leurs relations avec l’apprentissage individuel, du point de vue éducatif, on s’entend généralement pour dire que le sujet de l’apprentissage est une personne humaine. Cette perspective se traduit par des affirmations selon lesquelles c’est « l’apprenant qui apprend » (sous-entendu: personne ne peut apprendre à sa place, et surtout pas un enseignant).
  • l'apprentissage est un "produit" ou un "résultat" de l'expérience mais aussi un « processus » dans lequel l’expérience joue un rôle clé;
  • l'expérience est décrite généralement en termes de l’interaction du sujet avec le milieu (physique, social, culturel, historique, etc.) ;
  • pour être considéré comme relevant de l'apprentissage, le changement ne doit pas résulter principalement ou uniquement de la maturation biologique ou psychophysiologique de l’organisme. Autrement dit, l’apprentissage est de l’ordre de l’acquis et non pas de celui de l’inné. Contrairement aux comportements innés, les comportements appris ne sont pas transmis d’une génération à l’autre par le truchement du code génétique. L’apprentissage de ces comportements doit donc recommencer à chaque génération et pour chaque individu. Toutefois, l’apprentissage – et la possibilité même de ce que les individus appartenant à une même espèce peuvent potentiellement apprendre - dépend inévitablement du bagage génétique de l’espèce. Les extraordinaires possibilités d'apprentissage qui caractérisent l’espèce humaine la distinguent profondément des autres espèces animales;
  • le changement doit être stable, c'est-à-dire perdurer dans le temps et il ne doit pas résulter d’un mécanisme psychophysiologique tel que la fatigue, le stress, le vieillissement ou de l’action d’une substance extérieure agissant sur le comportement ou sur le psychisme;
  • le changement se traduit par un accroissement du répertoire comportemental du sujet ou de ses capacités à réaliser une tâche, autrement dit le résultat de l’apprentissage est considérée comme un « progrès » dans le développement du sujet. L’idée de « progrès » souvent considérée comme une « meilleure adaptation » à l’environnement, implique un jugement sur la « valeur » de ce qui est appris, et indique l’importance de la dimension éthique et normative du concept d’apprentissage.


Un peu d'histoire : le développement de l'approche cognitive de l'apprentissage

Les quatre définitions citées plus haut partagent une autre idée importante. Elles décrivent l’apprentissage à la fois en tant que changement dans le comportement (sous-entendu : phénomène qui peut être observé "publiquement", en anglais on le qualifie aussi de "overt") et dans l’activité psychologique : mémoire, connaissances, compétences, attitudes, habiletés, potentiel...) (sous-entendu : phénomène inobservable "publiquement", en anglais qualifié de "covert").

Ces définitions intègrent donc des deux grands paradigmes de l’étude scientifique de l’apprentissage qui se sont succédé au XXième siècle : le paradigme béhavioriste et le paradigme cognitif :

  • le paradigme béhavioriste était centré sur l'étude du comportement observable, excluant les "activités psychologiques". Il a permis d'élaborer des connaissances sur lesapprentissages élémentaires, dans lesquels les réponses comportementales sont sous le contrôle des stimuli environnementaux et qui sont réalisés sans l'intervention de processus de symbolisation liés au langage.
  • le paradigme cognitif centré sur l'étude du comportement incluant des "activités psychologiques". En fait, ce paradigme a proposé qu'il est possible d'étudier scientifiquement non seulement le comportement "observable" mais aussi le comportement "inobservable" car "situé dans la tête" d'un individu. Il est centré sur l'étude des apprentissages complexes assimilés aux apprentissages "symboliques" car médiatisées par les processus symboliques liés au langage.


Notes et références

George, C. (1994). Apprentissage. Dans Bloch, H., Chemama, R. Gallo, A., Leconte, P. Le Ny, J-F. et al. (Éd). Grand dictionnaire de la psychologie (pp. 58-64). Paris : Larousse.

Goupil, G. et Lusignan, G. (1993). Apprentissage et enseignement en milieu scolaire. Montréal : Gaëtan Morin.

Le Ny,J.-F. (1990), Apprentissage. Dans Encyclopaedia Universalis, Paris. En ligne (accès payant) : http://www.universalis.fr/encyclopedie/apprentissage/

Simon, H. (1991). Apprentissage. Dans Doron, R. et Parot, F. (Éd.) Dictionnaire de psychologie.(pp. 49-52). Paris : PUF.